Un grand prix pour un grand film. Le jury du Festival de Cannes ne s’était pas trompé en offrant à All We Imagine as Light une distinction digne de son exotisme et sa tendresse.
Il semble ironique d’écrire numériquement qu’il faut courir en salles de cinéma découvrir une expérience sur le plus grand écran possible, avec le plus de monde. Pourtant, All We Imagine as Light est une œuvre appelant chaque sens à se déployer afin de leur offrir un voyage inédit, le temps d’une séance.
“Sans nouvelles de son mari depuis des années, Prabha (Kani Kusruti), infirmière à Mumbai, s’interdit toute vie sentimentale. De son côté, Anu (Divya Prabha), sa jeune colocataire, fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Lors d’un séjour dans un village côtier, ces deux femmes empêchées dans leurs désirs entrevoient enfin la promesse d’une liberté nouvelle.”
Il pleut dans mon cœur
Comme mentionné plus tôt, All We Imagine as Light est une aventure de cinéma. Si notre rapport au film se veut souvent critique (d’autant plus ici), le spectateur se laisse, cette fois-ci, embarquer dans un « bout de vie » comme nous avons pour habitude de le décrire. Un film intime, profondément humain, qui nous fait oublier notre rôle premier pour nous inviter en voyage. Plus qu’une expérience audiovisuelle, c’est une réelle immersion qui nous prend par surprise.
All We Imagine as Light nous plonge au cœur de Mumbai. Industrielle et pluvieuse, Mumbai est une ville maudite. Sa grisaille étouffante accompagne les visages ternes de ses habitants. La cité semble en contradiction avec sa population, dressant un obstacle à leur épanouissement. En témoignent les voix-off, nous plongeant dans l’esprit d’inconnus, qui accompagnent les images pourtant si poétiques de la réalisatrice. Malgré l’aspect repoussant de la ville, le regard presque documentariste de Payal Kapadia convoque instantanément de la chaleur humaine.
La cité des illusions
Au cœur de cette ville de nuit, se cache une Inde cosmopolite. Les trois actrices principales sont accompagnées de témoignages et de personnages secondaires diversifiés. Mumbai est une ville en mouvement continuel, entraînant ses personnages à se métamorphoser. Le film ne se dresse pas comme un miroir de la politique indienne, mais reflète pourtant ses répercussions sur la population. Elle, semble en continuelle quête de bonheur… plongée dans l’instabilité.
« L’amour, en Inde, c’est une affaire extrêmement politique », témoigne Payal Kapadia. S’il est conditionné en permanence là bas, il parvient pourtant à être admiré à travers le regard du spectateur. L’amour qui regorge de ce film nous donne envie de prolonger le voyage. Un seul souhait apparaît alors : que les scènes durent plus longtemps afin de nous faire profiter de leurs délicates musiques, de la mélodie des murmures, et afin de voir fleurir les émotions de ces femmes réservées.
They bright like a diamond
Porté par un trio dont le sourire aura apporté tant de soleil lors de nos rencontres en avant-première, All We Imagine as Light est un film moderne et profondément féminin. Oui, enfin nous pouvons voir à l’écran trois femmes sans conflits, sensualisées sans être sexualisées, aventureuses et indépendantes. La chair a une toute autre saveur à travers le regard de Payal Kapadia, qui avait manqué à nos salles.
Comment parler du film sans mentionner Kani Kusruti ? Actrice qui nous avait déjà impressionnée dans Girls will be girls, elle porte ici un rôle inspirant, qui laissera certainement une trace indélébile dans nos mémoires. Derrière son regard sombre et sa carapace de bonne citoyenne, se cache une douceur intérieure attendrissante. Marquant une réelle évolution à travers le film, son personnage remet en question ses propres principes, ceux instaurés par son pays, pour prendre au plus soin de ceux qui lui veulent vraiment du bien.