Adolescence de Jack Thorne & Stephen Graham : Mon fils, ma bataille

La série britannique tant attendue Adolescence, écrite à quatre mains par Jack Thorne et Stephen Graham, débarque enfin sur Netflix.

À la suite des succès des séries Bodies (2023) de Paul Tomalin ou encore The Stranger (2020) de Danny Brocklehurst et Harlan Coben, Netflix compte bien renflouer son catalogue de thrillers audacieux et immersifs pour le cru 2025. Son premier récit haletant de l’année se prénomme donc Adolescence, mini-série en quatre épisodes tournés en plan-séquence réalisée par Philip Barantini et écrite par Jack Thorne et Stephen Graham. Nouvelle pépite sous haute tension de la plateforme, ou navet britannique tape-à-l’œil ? On vous dit tout.

« Lorsque Jamie (Owen Cooper), un adolescent de treize ans, est accusé de meurtre, sa famille, une psychologue clinicienne (Erin Doherty) et l’inspecteur chargé de l’affaire (Ashley Walters) se demandent ce qui s’est vraiment passé. »

© Netflix

Équipe de choc

Pour mettre en images ce projet audacieux imaginé par le scénariste Jack Thorne et le comédien Stephen Graham, difficile de ne pas jeter son dévolu sur Philip Barantini. Si ce blase vous est inconnu, rappelez-vous donc de The Chef (2021), premier long métrage de Barantini tourné en plan-séquence qui nous plonge dans un restaurant londonien lors du « Magic Friday » (le vendredi avant Noël) pendant près d’une heure trente. Véritable prouesse technique boostée par un casting impeccable, notamment Stephen Graham (tiens, tiens !) dans la peau du chef étoilé Andy Jones, The Chef a même eu droit à son spin off sériel du même titre en 2023. Le réalisateur made in Liverpool apporte donc sa précision millimétrée et son savoir-faire en matière de récits en temps réel, et force est d’avouer qu’il a encore pris du galon.

Devant la caméra, aucune fausse note à l’horizon non plus. Le jeune Owen Cooper, pour ses premiers pas de comédien, endosse le rôle ardu et complexe de Jamie avec une spontanéité et une justesse à toute épreuve, malgré le concept challengeant du plan-séquence. Énorme tour de force également pour le charismatique et bougon Stephen Graham, qui crève l’écran dans les traits d’Eddie Miller, paternel de Jamie qui voit son cocon familial se dynamiter sous ses yeux impuissants. Ashley Walters, en détective dépassé par les évènements, et Erin Doherty, impressionnante en psychologue face à l’insondable Jamie, offrent aussi des performances brutes et remarquables. Le casting, il faut bien l’admettre, confère à l’ensemble une viscéralité profonde et mémorable, tant l’investissement et la qualité de jeu de chacun.e détonne à chaque instant.

Projet casse-gueule

L’autre difficulté d’un projet basé sur le plan-séquence, outre celles d’ordres techniques et d’organisation, est de ne pas laisser trop de « temps morts » narratifs dans son déroulé. D’un trajet en voiture un poil longuet à une discussion mal écrite qui perd le spectateur, le concept d’une scène en temps réel sans pause ni coupure comporte son large lot de risques. Avec sa volonté d’immersion totale au plus proche de la réalité, le plan-séquence doit être millimétré au mouvement de caméra près, à la réplique près, à la mimique près, et doit aussi composer avec la difficile gestion du silence. Dans une série policière, où l’enquête peut stagner par moments avant de donner lieu à une révélation tonitruante, l’ambition scénographique d’Adolescence peut laisser facilement place à l’appréhension.

Pourtant, la mini-série britannique se révèle constamment inattendue et habilement huilée dans son choix de quatuor de séquences clefs. En quatre épisodes, le plus simple et évident aurait été de faire un épisode sur l’arrestation du suspect, un autre sur un interrogatoire musclé, un troisième sur la découverte d’un élément remettant en cause toute l’affaire et un dernier au beau milieu d’un tribunal avec un verdict imprévisible. Avec une volonté certaine de ne rien spoiler, sachez simplement que trois de ces éventuelles attentes initiales ne sont pas au programme d’Adolescence. Loin de susciter la déception, les options choisies par les scénaristes bousculent et nous rendent témoins et juges, invisibles mais investis, de cette histoire qui prend aux tripes.

© Netflix

Résultat bouleversant

Bien plus qu’une série policière sur un adolescent accusé de meurtre, Adolescence sous-tend de multiples pistes réflectives. Appuyée par sa tension décuplée grâce à l’utilisation du plan-séquence, la mini-série de Thorne et Graham ne ménage ni nos nerfs, ni nos doutes face à l’affaire qui se déroule à l’écran. La course contre la montre mise en place suite à l’accusation de meurtre entre la police et la famille de Jamie ne faiblit qu’à de rares et courtes occasions. Rapidement empathique envers la famille du jeune homme, dont on ne peut imaginer le chamboulement interne, Adolescence balaie tour à tour des thématiques profondes et des questionnements plus qu’actuels sur notre société contemporaine.

Le lien filial, la confiance en l’autre, la connaissance supposée d’un être cher, la remise en question de son rôle de parent et l’impact de celui-ci sur son propre enfant, les pressions subies par la jeune génération de la part de leurs camarades, d’Internet et des réseaux sociaux, les attaques mortelles entre jeunes gens, la mouvance « incel » et la vision archaïque et stéréotypée qui en découle… Adolescence met brillamment en lumière une jeunesse sous pression et perdue face à la réalité du monde, gangrénée par la politique oppressive de la peur, du profit et des normes à tous les niveaux qu’il faudrait acquérir. De quoi glacer le sang.

 

Audacieuse et immersive, Adolescence prend aux tripes en déroulant avec brio l’intrigue sous haute tension d’une famille dynamitée par la tragédie.

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