Adieu Les Cons d’Albert Dupontel vient enfin nous saluer.
D’ordinaire, lors d’une avant-première, le spectateur se retrouve dans une salle de cinéma, regarde le film et attend quelques jours voire quelques semaines que le produit fini arrive sur les écrans pour le plus grand nombre. Dans le cas qui nous concerne aujourd’hui, il y a 5 mois qui se sont écoulés. Autant de temps, vu le climat sanitaire et les mesures gouvernementales actuelles, c’est plus qu’exceptionnel. Et qui de mieux pour réaliser Adieu les cons, qu’un antisystème certifié, un anticonformiste bien de chez nous avec un cœur gros comme ça pour pondre ce qui pourrait être le film de l’année.
Drôle et triste à la fois
Dupontel est un caméléon. A l’aise dans tous les registres, il a su le prouver à de nombreuses reprises, et à surtout fait comprendre quand il a quelque chose à dire, il ne met pas de gants. C’est un peu le genre de personne qui frappe fort, pointe les problèmes du doigt en tentant d’y apporter des réponses cohérentes, avec des moyens simples.
Et comme il serait fort dommage de changer une recette qui fonctionne déjà, le spectateur se retrouve ici avec un pamphlet contre notre mode de vie actuelle. Sur les dérives de cette société qui va beaucoup trop vite pour tout le monde. Cette vie dans laquelle nos deux personnages principaux (trois, en réalité) feront tout pour s’entraider, pour s’aimer, se détester un peu aussi par moment. Mais surtout ils déambuleront dans toute la capitale afin d’aider cette pauvre Virginie Efira, à l’article de la mort, à déclarer la chose la plus belle et la plus importante qu’on puisse dire dans une vie.
Les dialogues sont d’une efficacité et d’une douceur redoutable, certaines nous faisant presque prendre conscience que nous ne sommes qu’un grain de sable dans ce rouage qu’est le monde, devant nous lever chaque matin pour gagner trois sous pour ne pas crever de faim à la fin du mois. C’est bien beau tout ça, mais Adieu Les Cons est un peu plus qu’une chanson faisant les belles heures de Damien Saez… C’est également une comédie humaine, dramatique, qui nous donne sévèrement envie d’aller secouer quelques personnes, option déballage quatre vérités. Et si le spectateur sort de là en étant ému, les yeux rouges ou les zygomatiques au garde à vous, c’est mission accomplie.
Un cocktail explosif
Hurler aux gens qu’ils sont d’infâmes hypocrites obsédés par leur nombril est une chose complexe à mettre en scène, surtout quand ça fait quelques films qu’on scande toujours la même chanson. Pas de problème, se renouveler, le bonhomme sait faire. En jouant des codes actuels pour toucher en plein cœur, dans le mille, le genre de score à faire rougir les confrères de jalousie ou de rage, Dupontel filme tout ce beau monde, illustre des moments de drames profonds comme dans les meilleurs moment d’Au Revoir Là-Haut, avec de la Mano Negra en fond pour appuyer les contrastes de l’œuvre qu’il peint sous notre nez.
Mais la came de Dupontel, c’est avant tout l’absurde, quand ça part à toute berzingue pour nous épuiser, et sa recette fonctionne à chaque fois. Pour faire simple, le régal est présent, ce qui fait prendre conscience que si Au Revoir Là-Haut est un film plus intimiste, Adieu Les Cons est le plus solaire mais aussi le plus bel anti-dépresseur qui puisse exister cette année. Seul bémol dans la composition du cachet cependant, si on veut vraiment se pencher sur la notice, c’est que le démarrage est longuet, certes, mais l’effet bénéfique, si la posologie est respectée, n’en sera que meilleur.
Une direction d’acteur équilibrée
Et à tout ça s’ajoute une composition d’acteur•trices excellent•e•s, toujours juste sans jamais en faire des tonnes (on est bien loin de Bernie et tant mieux), et sans frôler l’indigestion. Maitre d’orchestre d’une œuvre rayonnante, au service d’une cause vraiment défendable, Albert Dupontel dirige tout ce beau monde afin de prodiguer la sacro-sainte morale propre à tout film de « C’est pas la société qui n’est pas faite pour nous, mais nous qui ne nous sommes pas fait pour elle »…
Oui, mais c’est toujours plus profond qu’un message skyblog, il cherche avant tout à nous faire comprendre qu’il n’est pas en colère, ou du moins qu’il ne l’est plus autant qu’à une certaine époque.
Il est lucide sur le fait qu’un jeune premier de la classe sera davantage choisi pour diriger une société plutôt qu’un cadre avec 10 ans d’ancienneté. Lucide quant au fait que nous gaver de médicaments pour soigner un cancer sera toujours une bonne idée, quitte à nous déclencher une nouvelle maladie par-dessus. Lucide sur le manque de courage que nous avons tous au quotidien, pour aller demander une augmentation au patron ou pour prendre quelques jours de repos.
Mais c’est pour ça aussi qu’on aime Dupontel, parce que même s’il n’a pas la solution à tous les maux, il nous donne toujours quelques pistes. Il nous poussera toujours à nous pousser plus loin pour nous dépasser nous-même. La mise en scène l’appuie en plus : nous avons tous une Suze et un JB en nous, toujours prêt à aider les autres, même si ça doit être spectaculaire ou improbable. Et surtout, il nous dira toujours la même chose. Si cette société ne nous comprend pas, il nous suffira de nous lever, de se retourner et de dire… adieu les cons.
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