Young Hearts d’Anthony Schatteman : Dissection d’une relation

Premier long-métrage du cinéaste britannique Anthony Schatteman, Young Hearts arrive en salle ce 19 février 2025.

Récompensé à la Berlinale 2024 de la mention du jury jeunesse Génération Kplus, Young Hearts, offre une réflexion sur la découverte de l’amour gay lors de la période charnière de l’adolescence, dans une innocente forme de douceur. Suffisant pour rester dans nos mémoires ?

« Elias, 14 ans, vit dans un petit village de Flandre. Lorsque Alexander, son nouveau voisin du même âge venant de Bruxelles, emménage en face de chez lui, Elias réalise qu’il est en train de tomber amoureux pour la première fois. Il devra alors faire face au chaos intérieur provoqué par ses sentiments naissants afin de vivre pleinement son histoire avec Alexander et de la révéler à tous. »

© Polar Bear

Une envie de cinéma

En ce début d’année prolifique tant en quantité qu’en qualité dans nos salles de cinéma, difficile de faire des choix. Doit-on privilégier le spectacle ? Les prouesses techniques ? Soutenir le cinéma français ? Chacun est maître de cela, et le choix de Young Hearts – petit budget, issu d’une collaboration belgo-néerlandaise – mériterait aussi d’être ardemment soutenu. Toutefois, pour le défendre sincèrement, les arguments semblent être limités. Essayons.

Toute personne posant ses yeux devant Young Hearts, peut reconnaître la volonté de bien faire d’Anthony Schatteman. Tout d’abord, dans ses personnages secondaires. Loin de la fainéantise de beaucoup d’auteurs, le cinéaste fait porter à ces rôles de véritables enjeux venant s’entrechoquer avec ceux de nos protagonistes. Une manière astucieuse d’enrichir son récit sans perdre de vue sa ligne narrative. Ensuite, Schatteman filme avec beaucoup de tendresse la relation de nos protagonistes Elias (Lou Goossens) et Alexander (Marius De Saeger), avec toute la pudeur nécessaire. Mais quelque chose coince…

Le rôle du critique quand il passe à côté d’un film

Parfois, un film nous traverse sans résonner. Parfois, une œuvre se contemple et aucune émotion ne vient bousculer le fonctionnement normal de notre corps. Dans ces moments, le spectateur lambda peut se dire « mince, j’ai payé ma place pour rien » ou bien il oubliera vite l’expérience dans les heures suivant sa séance. De son côté, le critique devra rendre un article construit servant la promotion du film tout autant que sa mise en perspective dans le marché artistique qu’est le cinéma. Et parfois, cette tâche se complexifie. Que faire quand le film visionné nous passe au travers comme un fantôme ?

Young Hearts d’Anthony Schatteman, malheureusement pour lui, rentre dans cette catégorie de film qui est passé sans me toucher (moi, Josselin Colnot). 1h37 de drame amoureux d’un ennui involontaire, qui s’évapora de mon esprit la seconde où le générique de fin se lança (merci les notes). Dans ces situations, il me paraît légitime de se questionner sur la place du critique dans le processus. Trop souvent j’ai pu constater que la solution la plus facile dans ce milieu reste la sur-analyse, régulièrement négative. Tailler un film, pour se décharger du manque d’élément concret de réflexion intellectuelle est devenu le gagne-pain d’un secteur à l’agonie depuis l’avènement des réseaux sociaux. Le sensationnalisme est devenu la norme, et je le déplore.

Critiquer pour ne rien dire

Mais serait-il pertinent de ne pas écrire sur un film qui ne nous a pas touché ou inspiré ? L’accès aux projections presse n’est pas un dû à la fonction de critique, c’est un échange de bons compromis. Je vois ton film en avance, donc je suis à même d’en faire la promotion (positive ou négative) par la présence d’un article dessus. La rupture de ce contrat ne mènerait au long terme qu’à la fin des projections presse, pourtant nécessaires si le métier de la critique veut continuer à vivre.

La majorité du temps, nous (critiques) avons des choses à dire ou à recontextualiser pour apporter notre pierre au débat que le film amène. Ne rien avoir à dire, est-ce donc un aveu d’échec ? Peut-être. Ou alors, est-ce le courage d’assumer ne pas tout savoir, et de reconnaître qu’avoir un avis sur tout, tout le temps, ne fait – au final – pas avancer le débat. Au contraire, ce dernier devient, au final, inaudible pour le grand public. Comme si on critiquait… pour ne rien dire.

© Polar Bear

En définitive, Young Hearts est un premier film rempli de volonté de cinéma. Parfois superficiel et naïf, ce long-métrage laisse toutefois entrevoir une patte singulière, qui n’a besoin que de temps et d’expérience pour toucher une audience plus large. S’il semble manquer de substance et de nœuds dramatiques pour devenir un film mémorable, toute l’attention portée par Anthony Schatteman s’observe avec bienveillance, et trouvera très certainement un public prêt à le défendre.

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