Habituée du documentaire et surtout du format court, la jeune cinéaste polonaise Justyna Mytnik sonde, entre drame et fantaisie, le traumatisme du viol dans Wet Monday, son premier long métrage.
Le viol ne saurait se réduire à de simples séquelles psychologiques. D’une agression sexuelle peut également résulter le besoin de se réapproprier un corps profané, meurtri par une telle exaction. L’ébranlement moral enfoui au plus profond de soi et celui que l’on ne peut plus dissimuler, à l’instar de Klara, 15 ans, l’héroïne de Wet Monday, premier long métrage de Justyna Mytnik, qui prend le parti d’osciller entre le drame et le fantastique.
« Klara (Julia Polaczek) 15 ans, doit faire face à un traumatisme qui s’exprime par une soudaine phobie de l’eau. Elle peut compter sur le soutien de Diana (Weronika Kozakowska) sa nouvelle amie. Une histoire teintée de magie sur la puissance de l’empathie et de la sororité, au cœur des célébrations colorées de Pâques en Pologne. »

Trouble fête
La séquence d’ouverture, aérienne, laisse entrevoir le lieu du récit, un village provincial polonais enneigé plongé dans une paisible nuit d’hiver, avant de se s’attarder sur la rivière qui le traverse. Là où, il y a un an quasiment jour pour jour, Klara a été violée par un garçon masqué lors du Wet Monday, la traditionnelle fête du lundi de Pâques que l’on s’apprête à célébrer de nouveau pour marquer l’arrivée du printemps.
L’eau est doublement symbolique, dans le film de Justyna Mytnik. Elle revêt une valeur cathartique, lorsque les adolescents s’arrosent à foison dans les ruelles du village. Mais elle présente surtout une dimension traumatisante pour Klara, qui en a développé une peur carabinée à la suite de son viol. Joie et acerbité
Cette hydrophobie est dévoilée habilement devant la caméra lors de la messe de bénédiction des palmiers, rituel devenu indéfectible, huit jours avant la grande récréation que Klara prépare avec appréhension. Autour d’elle, seule sa grande sœur Marta sait ce qui la hante.
Pourtant, elle ne saisit ni l’ampleur ni la complexité du trauma. Ses plus proches amies, ne sont elles qu’insouciance et frivolité, tandis que les adultes ne sont relégués qu’au second rang dans l’histoire, où l’on comprend que ce qui agite leurs enfants leur échappe.
En eaux troubles
« Ma fascination pour le folklore et les contes de fées vient de mon intérêt pour l’analyse des mythes et des rituels féminins », explique la réalisatrice. « La magie et le folklore m’aident à raconter des histoires difficiles de manière symbolique et émotionnelle, en laissant au public l’espace nécessaire pour sa propre interprétation. »
Cette fantaisie des rêves, colonne vertébrale de ce film initiatique, est pourtant l’écueil que l’on pourrait pointer. Le fabuleux, qui se matérialise dans les songes du personnage principal a tendance à surcharger et brouiller le propos de la réalisatrice. Ce trop-plein de symbolisme adoucirait presque les cauchemars nocturnes de l’adolescente. Une direction artistique rédhibitoire ? Fort heureusement, non, car Wet Monday a d’autres qualités à mettre en valeur.
La révélation Julia Polaczek
Avec subtilité, la cinéaste déroule cette ambiguïté entre l’héroïne et son entourage, et cette inconsciente absence d’empathie. Sans pour autant se renfermer sur elle-même Klara s’érige en coupable, ne voulant surtout pas gâcher la fête qui se profile.
Par des plans resserrés sur le visage versatile de son personnage principal, Justyna Mytnik parvient à capter prestement la large ambivalence de ses émotions, entre obscurité et lumière blafarde. Une réussite indubitablement due à l’irréprochable partition de Julia Polaczek, qui figurait au casting de La Zone d’Intérêt, le film de Jonathan Glazer sorti en 2024.
L’autre sujet exposé dans Wet Monday, devenant même prépondérant, est celui de la sororité, rappelant le Speak (2004), de Jessica Sharzer. Une bonne fée va, contre toute attente, venir tendre la main à Klara. En l’occurrence l’excentrique et solitaire Diana, l’oreille attentive qui va permettre à l’héroïne de s’épancher sur son affliction. Toutes deux prendront alors un nouveau départ.

Récompensée par le prix du meilleur documentaire pour How to Become a Pope ? au festival du film de Varsovie, plusieurs fois primée avec Apocalypse, Justyna Mytnik signe là un premier long métrage réussi. Wet Monday est une oeuvre à la fois sensible et éloquente, dont l’onirisme et une légère intempérance des codes du teen movie, ont toutefois tendance à alourdir le propos.