Vif Argent est un film français comme on en voit peu aujourd’hui, poétique et contemplatif, il émerveille par son travail narratif et esthétique.
Le Champs-Elysées Film Festival propose une compétition indépendante française et américaine. Vif Argent de Stéphane Batut s’inscrit dans le cadre de la compétition française, et il a obtenu le Prix du Jury… Il a d’ailleurs été projeté à Cannes dans le cadre de l’ACID. Le Prix Jean-Vigo lui a été attribué pour « son audace poétique, son romantisme intemporel, sa croyance dans les pouvoirs du cinéma à transcender les frontières de la vie et de la mort ». Juste vient de mourir et erre dans les rues de Paris jusqu’à ce qu’une femme le reconnaisse.
Parler du film sans le mettre en lien avec un autre film du Champs-Elysées Film Festival lui faisant écho est impossible. Le film Angle Mort de Patrick-Mario Bernard met en avant des motifs fantastiques que l’on voit très peu dans le cinéma français (le pouvoir d’être invisible). Vif Argent est une réflexion exacerbée sur la vie et la mort, une thématique quasi-divisible du cinéma français qui ne s’intéresse, habituellement, pas à des sujets comme ça. Entre le film de genre et le drame social, l’histoire d’amour et l’horreur de la vie, Vif Argent est une claque émotionnelle forte. Le début du film est étrange, on ne comprend pas directement de quoi il est question, mais petit à petit on comprend que Juste vient de mourir et qu’une passeuse d’âme lui permet de rester quelques temps pour qu’il recueille le souvenir des mourants.
Une double lecture
Le film n’est jamais clair, il y a toujours une double lecture, plusieurs interprétations possibles, et une réflexion constante de la part du spectateur. Chaque scène est un rebondissement dans l’avancée de l’histoire de Juste, jusqu’à sa rencontre avec Agathe qui semble nous indiquer qu’il est dans cet état d’entre-mort, lui permettant encore de côtoyer les vivants.
Vif Argent est doté d’une poésie impressionnante, certaines scènes sont contemplatives et tout passe par les images puisque le personnage de Juste souffre d’une incommunicabilité. Les gros plans et les plans rapprochés sont intelligemment privilégiés lorsqu’il est en contact avec Agathe, il y a cette idée très forte de contact physique, notamment lorsqu’ils dansent ou lorsqu’ils font l’amour. Le film traite du manque des vivants envers les morts mais aussi du manque des morts envers les vivants, et cette réciprocité est rare au cinéma, A Ghost Story proposait un équivoque américain. Le dernier acte est dévastateur, et le film montre à merveille ce fossé immense entre la vie et la mort, les changements brusques qu’ils impliquent.
Vif Argent mérite son Prix Jean-Vigo et son Prix du Jury pour son traitement poétique de l’amour, de la vie et de la mort. Du manque, du toucher et de l’invisibilité.