Vampire humaniste cherche suicidaire consentant d’Ariane Louis-Seize : Croque-Monsieur !

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant

Pour son premier long-métrage (au long titre) Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, la réalisatrice québécoise Ariane Louis-Seize s’essaie à la comédie horrifique, un exercice ludique mais souvent piégeux. Entre ses comédiens touchants et une image particulièrement évocatrice, le pari est réussi et il en ressort une œuvre d’une grande tendresse.

Plongé dans ce récit d’apprentissage horrifique aux notes de comédie, le charme fait son effet. Vampire humaniste cherche suicidaire consentant performe dans son intention de mêler le spectateur au parcours initiatique de ses personnages, brillamment incarnés par Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard. Si la narration reste simple tout du long, elle permet de mettre en place des séquences d’une grande inventivité allant piocher ses influences dans l’expressionnisme allemand du siècle dernier.

« Sasha est une jeune vampire avec un grave problème : elle est trop humaniste pour mordre. Lorsque ses parents, exaspérés, décident de lui couper les vivres, sa survie est menacée. Heureusement pour elle, Sasha fait la rencontre de Paul, un adolescent solitaire aux comportements suicidaires qui consent à lui offrir sa vie. Ce qui devait être un échange de bons procédés se transforme alors en épopée nocturne durant laquelle les deux nouveaux amis chercheront à réaliser les dernières volontés de Paul avant le lever du soleil. »

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant
© Wayna Pitch

La transmission et le sous-texte

« Le point de départ serait l’apprentissage, explique Ariane Louis-Seize lors d’un entretien. Ce qui me touche avant tout, c’est la quête identitaire des personnages. Cette période de l’adolescence est riche dans nos vies. C’est celle où l’on teste nos limites et celles des autres, où l’on s’interroge énormément. Après, confronter les genres me plaît. Mes courts métrages n’entrent dans aucune case. Je laisse l’univers du film me guider, je suis mon instinct et si en cours de route je rencontre un élément drôle ou déstabilisant, je suis ce filon de création sans me limiter ».

Et sans se limiter, la cinéaste québécoise se penche avec une rare justesse sur la très courante recherche de soi lors d’une période charnière de nos vie : l’adolescence. Utilisant habilement la comédie pour rattacher un récit fantastique à notre réalité, le film se veut ludique tout en pointant les absurdités de nos sociétés. Et quoi de mieux pour cela que d’avoir des personnages qui remettent en cause leur présence ou leur existence ?

Vampirella

En effet, Ariane Louis-Seize use des questionnements de sa protagoniste Sasha pour faire de son récit une longue remise en cause de notre rapport au vivant et des relations entre les espèces. Sasha, jeune vampire de 68 ans, se refuse à tuer les humains pour se nourrir, sa sensibilité et son empathie l’en empêchant. De son côté, la famille de cette dernière – à l’exception du père, plutôt conciliant – se font le miroir de la vision commune de nos sociétés et de l’importance de se détacher d’une vision égalitaire entre les espèces.

Plus discret, mais non moins présent, le film charge la charge mentale que les hommes imposent aux femmes dans les couples. Dans Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, ce sont les femmes qui chassent. Au détour d’une discussion anodine dans une voiture, le personnage de mère de famille se permet une remarque sur sa fatigue de chasser pour tous. Aussitôt entendu, le mari à côté se targue d’être allé chercher la nourriture « lundi dernier », provoquant l’exaspération silencieuse de sa compagne. De plus, Denise (la cousine de Sasha) endosse de fait ce rôle quand celle-ci se retrouve contrainte de loger un nouveau vampire qu’elle a, malgré elle, transformée.

La figure vampirique

Adapter des vampires au cinéma en 2024, est-ce encore pertinent ? Tout le monde les connaît et personne n’en attend plus grand-chose. Pourtant Ariane Louis-Seize fait le pari de s’approprier des vampires du quotidien pour les faire ressembler à chacun d’entre-nous. Est-ce efficace ? Ça dépend. Dans une première partie, l’organisation d’une famille vampirique célébrant un anniversaire – presque – normal ou des scènes de ménages parfaitement banales peut faire son effet. C’est drôle et ça installe un univers singulier. Toutefois, le décalage entre la nature de ces créatures sensibles et la barbarie de certains actes commis cassent quelque peu la projection que l’on peut se faire de nos caractères dans les leurs.

Mais cette rupture peut aussi servir le récit dans ses éclats d’horreur. Largement inspiré par le cinéma expressionniste allemand du début du siècle dernier, la cinéaste va rendre un tableau net d’un point de vue technique. Entre les lampes qui clignotent pour illustrer les états d’âme de Sasha, les choix de direction photo et la confusion des interactions entre les personnages, on se retrouve projeter dans les années 1920 entre un Nosferatu qui s’amuse et un Docteur Caligari pour enfant. La texture du grain de l’image crée par la même occasion une étrange nostalgie qui en fait un film d’une grande mélancolie.

Vampire humaniste cherche suicidaire consentant
© Wayna Pitch

En définitive, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant vient consacrer sa cinéaste d’une première œuvre pleine de promesse. Ariane Louis-Seize offre un film touchant, parlant et amusant. Ici, le rythme – principal défaut des premiers films – ne vient pas ralentir l’expérience du spectateur. Les vampires ont encore des histoires à nous raconter.

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