The Sticky de Brian Donovan & Ed Herro : Braquage à la québécoise

The Sticky Prime Video

Librement adaptée d’un fait divers québécois, l’étonnante mini-série The Sticky créée par Brian Donovan et Ed Herro débarque sur Prime Video.

Après plus de deux ans d’attente (la première évocation du projet remontant à avril 2022), quelle joie, et impatience, à l’idée de pouvoir enfin découvrir The Sticky sur nos écrans. Entre comédie dramatique et polar noir, la mini-série canadienne m’a intrigué dès le départ par son sujet farfelu et son casting hautement improbable. Mais le cocktail tant attendu « braquage, bras cassés et sirop d’érable » tient-il toutes ses promesses après avoir visionné les six épisodes imaginés par Brian Donovan et Ed Herro ? Réponse ci-dessous.

« Ruth Landry (Margo Martindale) est une productrice de sirop d’érable qui décide de se tourner vers le crime lorsque les autorités bureaucratiques menacent de lui enlever tout ce qu’elle aime. Elle fait alors équipe avec Mike (Chris Diamantopoulos) un mafieux sanguin originaire de Boston, et Remy (Guillaume Cyr), un agent de sécurité franco-canadien aux manières douces pour mener à bien un vol de plusieurs millions de dollars dans les réserves nationales de sirop d’érable du Québec. »

© Jan Thijs 2023

Once Upon A Time in Saint-Louis-de-Blandford

Si fou soit-il, le synopsis de The Sticky s’inspire en vérité librement de l’affaire qui a secoué le Québec il y a près d’une décennie, sobrement baptisée le « Vol de sirop d’érable du siècle ». En effet, entre 2011 et 2012, des employés ont volé près de 10 000 barils de sirop d’érable dans une installation de la Fédération des Producteurs Acéricoles du Québec (FPAQ pour les intimes, une association qui représente 77% de l’offre mondiale de sirop d’érable) à Saint-Louis-de-Blandford au Québec. Sur plusieurs mois, les voleurs ont réussi à piquer 3 000 tonnes de sirop d’érable, représentant au total la coquette somme de 18,7 millions de dollars. Mais alors, comment se fait-il que personne ne s’en soit rendu compte ? Et bien, l’entrepôt dans lequel ont été chourés les barils était l’une des réserves stratégiques mondiales de la FPAQ.

Les fûts, non marqués et en métal blanc, ne sont donc vérifiés qu’une fois par an. Les voleurs ont par ailleurs bien préparé leur coup, puisqu’ils siphonnaient au départ le sirop d’érable, remplissaient ensuite les barils d’eau et les remettaient dans l’entrepôt. Ni vu, ni connu. Le temps passant (et la flemme les gagnant, peut-être), ils ont fini par laisser les fûts de sirop vides sur place. Et c’est ainsi qu’à l’automne 2012, un inspecteur a grimpé sur les barils pour faire son inventaire et a presque chuté en se rendant compte que les fûts, censés faire plus de 270 kilos, étaient totalement vides. Dix-sept arrestations et plusieurs condamnations plus tard, cette affaire a entre autres inspiré un épisode de la série Dirty Money mais aussi une chanson du groupe Trent Severn, Stealin’ Syrup. C’est l’fun quand même.

Coen or not Coen

Entre comédie dramatique et polar noir, The Sticky ravira tous les fans de ce mixage de genres, qui a déjà largement fait ses preuves par le passé. Au détour d’une joute verbale ou d’une séquence, on pense régulièrement au cinéma de Joel et Ethan Coen et à la série Fargo de Noah Hawley, elle-même inspirée de l’univers des frangins. Dans la digne lignée des épopées de contrebande insolites peuplées de loosers qu’on connaît aux Coen et à Hawley, où l’humour flirte constamment avec le crime, la mini-série de Brian Donovan et Ed Herro remplit toutes les cases du bon divertissement. On regrette ceci dit que la mise en scène, sobre et trop académique, ne soit par moment pas aussi délirante que son sujet.

Oscillant constamment entre situations décalées et scènes sous haute tension, The Sticky offre du mordant et de l’originalité par le biais de son récit inattendu et de ses personnages hauts en couleurs. De l’imprévisible Mike, bien porté sur la gâchette et pourtant pas si badass que ça, à Remy, agent de sécurité qui tient plus de l’ours en peluche que du badboy, en passant par Leonard (Guy Nadon), boss de la fédération faussement sympathique à l’esprit bien revanchard. Mais si les personnages masculins scintillent par leurs contradictions et leur volonté à moitié assumée de jouer les gros bras, ce sont surtout les personnages féminins qui irradient l’écran sur l’ensemble des épisodes de la série.

© Jan Thijs 2023

Gang of Women

The Sticky peut se vanter d’avoir habilement écrit ses protagonistes féminins, ultra badass et dotés d’une complexité plus que bienvenue. A commencer par le personnage de Ruth Landry, interprétée avec panache par la toujours impeccable Margo Martindale, productrice de sirop d’érable plus que coriace qui compte bien retourner le système mis en place par Leonard et tous ceux qui osent se mettre en travers de son chemin. A ce côté (com)battant parfois poussif, Brian Donovan et Ed Herro contrebalancent le personnage par sa sensibilité bien planquée et son amour profond pour son mari dans le coma, seul être capable de la faire vaciller. Face à elle, on retrouve un casting de seconds rôles féminins certes incongru, mais absolument fabuleux.

L’actrice canadienne Suzanne Clément, qu’on adore, campe Valérie Nadeau, détective star du coin à côté de ses pompes et de l’enquête en cours. Mais c’est surtout la prestation rock’n’roll de l’hypnotique Jamie Lee Curtis (également productrice déléguée), dont on ne vous dévoilera pas grand chose sur son personnage afin de garder toute surprise, qui fait mouche. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle va vous tendre autant que vous faire marrer. Par ailleurs, la bande originale promet de vous rassasier auditivement. Muguette, Le Pénitencier de Johnny, J’entends Frapper de Michel Pagliaro… La langue française est largement à l’honneur ! Ondulations empreintes de nostalgie garanties.

The Sticky se déguste comme un bon pancake arrosé de sirop d’érable, dont le côté gourmand est surtout dû à son intrigue fantasque et son casting insolite ultra investi.

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