Partant sur les très bonnes bases du The Batman de Matt Reeves, The Penguin bascule de l’autre côté des barreaux, du côté de la mafia gothamienne. En choisissant de faire de son protagoniste Oswald Copplebot, personnage secondaire du film et ennemi emblématique du chevalier noir, la série se place en héritière des polars criminels. Pour autant, est-il le pingouin qui glisse le plus loin ?
Là où le film de Reeves puisait dans Se7en et Zodiac de David Fincher, The Penguin dit vouloir faire de son protagoniste un nouveau Tony Montana (Scarface). Mais loin d’être un simple rise and fall classique à charge du rêve américain, la série réussit à diversifier ses thématiques et à surprendre grâce son personnage principal abject, bien aidé par son interprète Colin Farrell.
“Une semaine après les événements liés aux agissements du Riddler, Oswald “Oz” Cobblepot (Colin Farrell, alias Le Pingouin) va monter en puissance dans le monde criminel de Gotham City.”
De bonnes bases
Prenant la suite directe de The Batman, The Penguin reprend aussi bien le contexte du film que son esthétique globale. Ceci constitue le premier gros point fort de la série: ses visuels léchés appuyés par une production design à la hauteur. Attention, n’est pas Greig Fraser qui veut, mais la série propose de très jolis plans, notamment dans son utilisation de la longue focale pour dépeindre des visages sur un fond de ville flou quasi impressionniste. La mise en scène est aussi souvent inspirée et propose plusieurs idées de caractérisations de personnages assez malignes (avec notamment Craig Zobel à la barre de plusieurs épisodes qui avait déjà travaillé sur The Leftovers et Westworld).
A l’instar du film mère, la série va également chercher des inspirations du diptyque de comics Un Long Halloween et Amère Victoire, que ce soit dans les personnages, l’ambiance ou même la façon de dépeindre la mafia de Gotham. Ceci étant dit, The Penguin ne se complaît pas dans le fan service à outrance, limitant les rappels à l’univers de Batman par de simples clins d’oeils rares et discrets. D’autant plus que la série se sert de la mythologie de l’univers papier pour induire en erreur les fans.
Gotham City au coeur de la tempête
Si il y a bien une chose que The Penguin comprend et maîtrise, c’est la place de Gotham City dans la mythologie de Batman et de ses antagonistes. En tant que véritable mélange de New York et Chicago, la ville devient ici le recoin des pires vices de l’Amérique moderne: Séparation des classes évidemment marquée, rues tachées par le crime et la drogue, les institutions de santé défaillantes qui abandonnent les malades à leur sort ou encore le système entier corrompu de bas en haut.
La série décide aussi d’abandonner les origines aristocrates de Copplebot pour en faire un gamin des rues. La rivalité entre lui et les Falcone transforme alors une lutte pour le pouvoir en lutte des classes. Une thématique appuyée par un nouveau personnage, Victor Aguilar. Petit délinquant de bas étage, il se bat pour se nourrir et se retrouve mêlé à des forces trop grandes pour lui.
Des personnages cicatrisés
A l’image de leur ville qui garde les traces de l’inondation massive qui a marqué le climax de The Batman, les personnages de The Penguin portent tous des cicatrices, autant physiques que mentales. Leurs blessures physiques sont des miroirs de leurs affects intérieurs et traumatismes d’enfance. Ils prennent alors le spectateur à mi-chemin entre la pitié et le dégoût, distillant des émotions contraires mais grisantes à explorer. Ces aspects sont d’autant plus passionnants quand ils se reflètent aussi bien chez le protagoniste que l’antagoniste.
Bien que la série s’attelle à nous montrer leurs similitudes, c’est dans leur affrontement que les ennemis Oswald et Sofia Falcone deviennent passionnants. Si le pingouin de Farrell avait déjà fait ses preuves chez Reeves, il étoffe ici son passé, lui donnant un côté plus humain et vulnérable. Mais aussi en renforçant son côté vicieux, impitoyable et diaboliquement pathétique. De l’autre côté, Cristin Milioti nous offre une Sofia Falcone déchirée entre deux mondes, accablée par le poids de son héritage familial et son passage à l’asile d’Arkham. Elle offre une performance aussi déchirante que tendue tant elle semble toujours à deux doigts d’exploser.