Après les sorcières de The Witch et les sirènes de The Lighthouse, Robert Eggers s’attaque à la mythologie viking avec The Northman.
Plus violent que l’arthurien The Green Knight, cette nouvelle adaptation de légende est la première grosse production du réalisateur américain. Pour l’occasion The Northman convoque un casting aux petits oignons avec Ethan Hawke, Nicole Kidman, Anya Taylor-Joy et surtout l’impressionnant Alexander Skarsgård. Alors si vous avez toujours pensé que Shakespeare manquait d’abdos, de sang et de combats à l’épée sur un volcan en éruption : ce film est fait pour vous.
Enfant, le prince Amleth assiste à l’assassinat de son père le roi Horwendil (Ethan Hawke). Ce dernier est trahi par son propre frère, Fjölnir (Claes Bang), qui s’empare du trône et capture la reine. Amleth réussit à fuir son royaume en barque et jure de revenir un jour pour tuer son oncle et libérer sa mère (Nicole Kidman). Deux décennies plus tard, il est devenu un guerrier viking redoutable, mais sans humanité. Une intervention divine lui rappelle sa promesse et il embarque alors sur un bateau en se faisant passer pour un esclave, bien décidé à accomplir sa quête vengeresse.
Immersion chez les Viking
Dans un paysage hollywoodien rongé par les blockbusters interchangeables, Robert Eggers vient réveiller le spectateur avec un film de studio original, accessible et sublimé par son talent de metteur en scène. Moins sophistiqué que ses premiers films, The Northman reste d’une qualité visuelle indéniable. Robert Eggers plonge ses personnages dans la beauté des paysages irlandais et islandais, tout en contrastant avec leur hostilité naturelle. Plaines vertes, nuit bleutée et éruption volcanique, la photographie ambitieuse de Jarin Blaschke insuffle un côté épique à la fresque viking du réalisateur.
Maniaque de l’authenticité historique, Robert Eggers porte une grande attention aux détails des armes, costumes, décors et surtout au langage afin de réaliser le film le plus réaliste possible. S’il développe une formule plus classique et « grand public », le réalisateur n’oublie pas d’ajouter une pointe de fantastique comme sur ses premiers films. Mêlant poésie et barbarie, The Northman, nous offre quelques scènes mémorables comme une attaque de village ultraviolente en plan séquence ou les visions mystiques d’une walkyrie chevauchant vers le Walhalla. On notera aussi la bande originale transcendante et le travail sur le son exceptionnel qui ajoutent grandement à l’atmosphère immersive du film.
Les abdos de Shakespeare
The Northman est une nouvelle preuve de la fascination d’Eggers pour le folklore et les rites. Il s’attaque cette fois ci aux terres glaciales de Scandinavie et à la mythologie nordique, avec ce récit tiré de la légende d’Amleth de Saxo Grammaticus, elle-même influence de la célèbre pièce de Shakespeare. Hamlet ayant été une source d’inspiration majeure dans la culture populaire, on se retrouve malheureusement avec un récit convenu et assez prévisible. Si la légende scandinave est beaucoup plus brute et moins porté vers la philosophie, l’histoire de vengeance est la même. Robert Eggers favorise alors la mise en scène à la narration et se repose beaucoup sur les épaules musclées d’Alexander Skarsgård.
Principalement connu pour son rôle dans le (mauvais) Tarzan de David Yates (2016) et pour son interprétation récompensée dans la série Big Little Lies, l’acteur suédois livre ici une performance absolument bestiale. A la manière d’un Di Caprio dans The Revenant (2015), il s’investit à 100% dans son rôle de berserkr aux pectoraux saillants, tout en regards impassibles et hurlements gutturaux. Robert Eggers profite de son budget hollywoodien pour s’offrir une distribution cinq étoiles. On retrouve donc Ethan Hawke, Willem Dafoe mais surtout Nicole Kidman habitée par son rôle de matriarche et Anya Taylor-Joy en esclave révoltée. Les deux personnages offrent un pendant féminin très intéressant dans cet univers testostéroné jusqu’à l’excès, mais manquent légèrement de développement. Surtout dans la dynamique œdipienne entre Amleth et sa mère.
Malgré un scénario assez balisé, The Northman réussi à trouver l’équilibre entre grand spectacle et vision d’auteur. Robert Eggers fait de nouveau jouer ses talents de conteur et immerge le spectateur dans une fresque viking, qui emporte par sa beauté visuelle et son action viscérale.
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