Principalement connue pour ses rôles dans Donnie Darko, Sherrybaby, La Secrétaire ou plus récemment la série The Deuce, Maggie Gyllenhaal fait ses débuts en tant que réalisatrice chez Netflix avec The Lost Daughter et choisit d’adapter un récit d’Elena Ferrante intitulé Poupée perdue. Avec ce film, récompensé à la Mostra de Venise par le prix du meilleur scénario, elle délivre un portrait brutalement honnête des tabous de la maternité.
The Lost Daughter : Professeure de littérature dans la quarantaine, Leda (Olivia Colman) voit la quiétude de ses vacances en Grèce perturbée lorsqu’une grande famille bruyante et intimidante débarque sur la même plage qu’elle. Fascinée par la relation entre Nina (Dakota Johnson), une jeune mère débordée, et sa petite fille Elena, Leda se retrouve alors confrontée aux souvenirs douloureux de sa propre expérience de la maternité.
Sur la plage abandonnée..
Lorsqu’Elena échappe à la surveillance de ses parents, Leda la retrouve et profite de la panique pour subtiliser sa poupée préférée. Cet acte presque inconscient va chambouler son comportement, et ce qui avait démarré comme joli film de vacances va alors nous faire voyager dans l’esprit troublé d’une femme et de sa mémoire pleine de remords. Progressivement dans The Lost Daughter, Maggie Gyllenhaal alterne présent et flash-back pour nous révéler le passé de sa protagoniste et nous aider à mieux la comprendre. On découvre donc une jeune Leda (incarnée par Jessie Buckley) débordée par ses deux enfants turbulents et pour qui la maternité se révèle être un frein à son épanouissement personnel et professionnel.
Jonglant entre thèse universitaire et charge mentale, Leda se réfugie, sans éprouver aucun remords pour sa famille, dans les congrès de poésie et littérature, seuls moments salvateurs d’une routine étouffante. Dans le présent, les vacances de Leda seront tout sauf idylliques. Par projection, elle se retrouve de plus en plus mêlée à la vie de Nina dont la situation ressemble aux angoisses maternelles de sa propre jeunesse. Tout en non-dits, une complicité silencieuse va se développer entre les deux femmes, mais les regards accusateurs de la famille de Nina vont se faire de plus en plus menaçants et créer une atmosphère paranoïaque et inquiétante sur l’île.
Imparfait mais audacieux
Pour sa première réalisation, Maggie Gyllenhaal a su s’entourer d’un casting féminin impressionnant et permet à chaque actrice de jouer sur un registre différent. En résulte un récit intéressant entre la fragilité d’une Olivia Colman dévorée par les remords, une Dakota Johnson suffocante sous le poids de sa maternité nouvelle, mais aussi à travers la détermination de Jessie Buckley en jeune Leda. Grâce aux flashbacks, nous apprenons notamment que son succès en tant que traductrice l’a amenée à rencontrer le professeur Brady (Peter Sarsgaard) et que sa relation passionnelle avec lui a amplifié l’envie de quitter mari et enfants pour mieux s’accomplir. Les angoisses de Leda sont cristallisées par une mise en scène suffocante jouant beaucoup sur les silences et les regards, mais aussi par le rythme du montage alternant chaos et tranquillité.
Malgré une analyse de la responsabilité maternelle brutalement honnête et d’une rare complexité, The Lost Daughter n’échappe pas aux défauts du premier film. Les interprétations sont solides, mais le long-métrage souffre de longueurs inutiles et, si quelques jolis moments de mise en scène rendent le récit plus riche, la réalisatrice a parfois la main trop lourde et peine à transcender son scénario. Il n’en reste pas moins un début extrêmement prometteur en tant que réalisatrice où Maggie Gyllenhaal aborde le sujet tabou des femmes qui ne parviennent pas à s’épanouir dans la maternité à travers le regard de trois femmes dépassées par leur rôle assigné de mère et par le jugement d’une société qui les aliène.
Disponible depuis le 31 décembre sur Netflix