Et s’il fallait réhabiliter la joie simple et enfantine du cinéma « sans prise de tête » ? Après un Bullet Train complètement barré, David Leitch inscrit The Fall Guy dans une longue lignée de films d’action qui au premier abord semblent bêtes et sans aspérités, mais se révèlent finalement bien plus profonds qu’ils n’en ont l’air.
L’année prochaine, les Oscars décerneront pour la première fois de leur longue et riche histoire un prix récompensant le meilleur casting. De quoi reconnaître le travail de l’ombre mais éminemment important des directeurs de casting, qui font et défont l’alchimie d’un film. Avec The Fall Guy, David Leitch plaide quant à lui pour la reconnaissance des cascadeurs, qui n’ont toujours pas de prix dédié dans les grandes cérémonies, et ce alors même qu’ils sont ceux qui véritablement prennent tous les risques. Et si cela changeait enfin ?
“C’est l’histoire d’un cascadeur, et comme tous les cascadeurs, il se fait tirer dessus, exploser, écraser, jeter par les fenêtres et tombe toujours de plus en plus haut… pour le plus grand plaisir du public. Après un accident qui a failli mettre fin à sa carrière, ce héros anonyme du cinéma va devoir retrouver une star portée disparue, déjouer un complot et tenter de reconquérir la femme de sa vie tout en bravant la mort tous les jours sur les plateaux. Que pourrait-il lui arriver de pire ?”
The Nice Guy
Au début des années 2010, le public avait un peu perdu de vue ce qui avait fait de Ryan Gosling une star au début de sa carrière, à savoir son excellente interprétation de rôles comiques. C’était de nouveau chose faite avec The Nice Guys en 2016, puis avec d’autres films tels que Barbie l’année dernière.
Cette année, Gosling continue dans cette veine avec The Fall Guy, où il campe un cascadeur malchanceux au travail et malheureux en amour, qui se retrouve, après une chute ayant presque mis fin à sa carrière, dans un rocambolesque imbroglio policier au cœur du tournage du premier film de la femme de sa vie.
Niveau enjeux, le film se pose là, et David Leitch fait tout pour rendre la quête du Fall Guy semée d’embûches toutes plus irréalistes les unes que les autres, avec l’objectif de tirer la quintessence du jeu comique de Ryan Gosling et d’Emily Blunt, elle aussi parfaite dans son rôle.
Ici, l’idée n’est pas de raccorder tous les arcs ou même de faire sens. Le film de David Leitch se veut à l’ancienne. Seul compte le dénouement attendu (l’amour entre les personnages de Gosling et Blunt), et le voyage n’est là que pour se rappeler aux bons souvenirs des actioners des années 70 et 80, quand Steve McQueen, Jean-Claude van Damme ou Rick Dalton enchaînaient les séquences d’action sans queue ni tête mais dans un seul but : le divertissement du spectateur.
Free Guy
Et finalement, c’est ce même plaisir que l’on retrouve dans The Fall Guy, cette sorte de sensation naïve, presque enfantine même de l’aventure. On passe du bon temps avec Gosling, Blunt et l’antagoniste grossièrement (dans le bon sens du terme) campé par Aaron Taylor-Johnson, et les frissons et l’adrénaline sont au rendez-vous. Les cascades s’enchaînent, et David Leitch ne se préoccupe ni de leur réalisme ni de leur utilité. Plus encore que son hommage aux films d’action, on pense même aux pitreries de Buster Keaton, dont le cinéma était avant tout celui du pur spectacle.
En ressortant du film, on se prend ainsi à se demander si l’on n’intellectualise pas trop le cinéma. Non pas qu’il ne doive pas l’être, ni que la réflexion autour n’a pas de sens. Mais devant un (bon) blockbuster, il faut aussi se rappeler que le cinéma peut être instructif et enrichissant autant qu’il peut être divertissant. On peut et on doit, nous oserons le dire, se souvenir qu’aller au cinéma peut aussi être pour la seule et bonne raison de passer du bon temps, sans prise de tête, mais en même temps sans que cela ne soit bête et méchant. Le fun au cinéma est le fruit d’un travail sérieux et difficile, comme tant de cinéastes et d’acteurs ont souvent dit qu’il était plus simple de faire pleurer que de faire rire au cinéma.
Les cascadeurs, héros oubliés du cinéma
Entre Los Angeles et Sydney, entre l’amour de sa vie et sa quête de rédemption, le personnage de Ryan Gosling enchaîne les cascades. Il est ce héros oublié des tournages qui prend tous les risques pour que les stars puissent briller sur le tapis rouge. Il se met volontairement en feu, accepte de vivre des accidents de voiture ou tout simplement de se faire fracasser le visage pour la beauté du geste.
En dehors de Tom Cruise et quelques autres fous du volant, la plupart des acteurs et actrices de films d’action ont recours à ces personnes pour prendre les risques à leur place. Et l’équipe de The Fall Guy le rappelle très justement depuis le début de sa tournée promotionnelle. Loin de ramener les projecteurs sur lui, Ryan Gosling convie systématiquement ses collègues cascadeurs dans les avant-premières du film (dont celle à l’UGC Normandie que nous regretterons bientôt), et les met en avant en avouant sans gêne qu’il n’a pas fait ses propres cascades et qu’il leur doit une fière chandelle, car ils lui permettent d’être la tête d’affiche (et donc de loin le mieux payé) sans courir aucun des risques liés au tournage.
Cette mise en avant est salutaire. Elle intervient à un moment où les cascadeurs sont en quête juste de reconnaissance pour leur travail. En quoi, en effet, le travail des monteurs, des musiciens ou des producteurs mérite-t-il d’avoir des prix dédiés, et pas le leur ? Cette anomalie du cinéma, à l’heure où tellement de métiers sont reconnus (des costumiers aux directeurs de casting), doit cesser. Et dans la joie et la bonne humeur, c’est le message utile que The Fall Guy veut faire passer, et nous ne pouvons que le saluer et le soutenir.