Énième remake que personne n’attendait : The Crow de Rupert Sanders arrive dans nos salles fin août. Déjà connu pour son questionnable Blanche Neige et le chasseur et le controversé Ghost in the Shell en prise de vue réelle, le réalisateur semble se conforter dans ses projets d’adaptation et remaniements inutiles.
Mais Alex Proyas, l’auteur du film original adapté du comics de James O’Barr,est lui-même un réalisateur d’entre deux eaux, capable de réussite avec Dark City comme d’horreur avec Gods of Egypt. Alors, cette tendance au meilleur comme au pire se retrouve-t-elle aussi dans cette refonte sombre et contemporaine du mythique The Crow ?
« Eric (Bill Skarsgård) et sa fiancée Shelly (FKA Twigs) sont sauvagement assassinés par un gang de criminels. Mais une force mystérieuse ramène Eric d’entre les morts, qui, doté de pouvoirs surnaturels, entreprend de se venger pour sauver son véritable amour. »
Le Corbeau et le remake
Après quelques mauvaises augures qui restent dans l’esprit du film (sortie repoussée sans explications, comédien principal frustré de la fin du film), The Crow est prêt à se poser sur grand écran dans nos salles françaises.
Sanders serait-il hanté par le fantôme de Brandon Lee, mort pendant le tournage du film original ? Peut-être. En tout cas, son ombre plane au-dessus du film et de la performance de Skarsgård, qui met les bouchées doubles, quitte parfois à en faire un peu trop. Mais le trop-plein devrait pourtant convenir parfaitement à l’atmosphère romanesque et grandiloquente du film. Raté toutefois, car ici, ce n’est plus le The Crow poisseux de Proyas ou d’O’Barr. En effet, on sent tout les efforts que Sanders met à respecter autant que se détacher du premier film. Ce qui est une intention plus que noble de prime abord, MAIS !
Malheureusement, du long-métrage de 1994, le réalisateur semble ne conserver qu’un souvenir superficiel et pubertaire. Ainsi l’on garde les motifs sombres (le maquillage, la violence exubérante), qui étaient déjà présents dans le comics, pour en oublier la moelle même de l’œuvre.
Là où le film original se sert du romantisme pour justifier son imagerie gothique et religieuse, son remake s’en passe volontiers. Les visuels sont plaisants, et c’est bien le problème : ils ne sont que ça. Le directeur de la photo, Steve Annis, connu pour La couleur tombée du ciel ou le clip Immortel de Maître Gims (si, si), assure ici les visuels. Les contrastes sont assez marqués pour être marquants. Mais du reste, tout,, des décors à la photo en passant par les VFX, manque de texture.
Pauvre pigeon
En termes de manque, ce ne sont pas seulement les visuels, mais bien aussi l’écriture qui a été punie. Alex Proyas avait écrit un film certes à la limite d’une misanthropie edgy, mais rempli d’un charme emo-gothique propre à la fin 90-début 2000, qui adaptait très bien l’esprit du comics déjà comiquement macabre. Et Sanders en a aplati le corps et l’esprit. À la place d’une mise en forme granuleuse et déplaisante au service de son imagerie marquante, nous avons droit à d’énièmes séquences interminables et infantiles de ce qu’un cinquantenaire pense être cool aux yeux des adolescents.
Passons volontiers sur l’introduction qui romantise et fétichise le mal-être mental. Ceux qui se veulent des antihéros ne sont finalement pas plus que deux adolescents profitant d’un mode de vie bourgeois d’emprunt, avec des motivations au romantisme niais et plat, digne d’une série Netflix. Car oui, c’est bien de cela qu’il s’agit.
À la place d’un hommage humble ou créatif à un film dont le legs n’est plus à prouver, The Crow de Rupert Sanders a plus l’allure et l’envie d’être un produit. Un film qui se regarde comme il s’oublie : facilement. Les personnages sont interchangeables et sans profondeur, le message global du film est changeant et d’une niaiserie sans fond. Cousu d’un fil blanc qui parfois se teinte de rouge après les innombrables (jouissifs mais mal exploités) excès d’hémoglobine, le produit retombe comme un oiseau aux ailes mal attachées.