Avec The Assistant, Kitty Green s’acharne inlassablement à démontrer au spectateur les défaillances de l’industrie cinématographique, et l’impuissance d’une femme dans une industrie dirigée par les états d’âme masculins.
Le premier long-métrage de la réalisatrice Kitty Green n’est absolument pas étranger au public américain puisqu’il a été l’une des sensations de la dernière édition du Festival de Sundance. The Assistant, au même titre que First Cow de Kelly Reichardt, a désormais l’opportunité de tenter sa chance auprès du public français lors de la – tant attendue et appréhendée – 46ème édition du Festival du Film Américain de Deauville.
The Assistant plonge le spectateur au cœur de la journée de travail du personnage de Jane (Julia Garner), assistante personnelle du directeur d’une importante société de production cinématographique. Durant l’heure et demie dans laquelle se déroule le métrage, la réalisatrice rend compte de la nature du travail de Jane, allant de la plus insignifiante tâche – allumer les ordinateurs de tout le bureau – aux missions plus personnelles – la gestion des états d’âme de l’entourage de son patron. Dans l’ambiance morne et étouffante d’un open-space, entourée de personnes qui ne font preuve d’aucun égard envers elles – des hommes pour la plupart – Jane prend progressivement conscience de la toxicité de l’environnement dans lequel elle évolue et du travail considérable qu’elle doit fournir pour parvenir à s’élever socialement.
Un film engagé mais peu engageant
The Assistant s’inscrit sans aucun doute dans la lignée des films inspirés par le mouvement #MeToo – initié en 2005 et repris en 2017 à l’initiative de l’actrice américaine Alyssa Milano – qui a encouragé des milliers de femmes à prendre la parole et à ne plus subir leur statut de victimes de violences sexuelles. Sans se contenter de « surfer sur la tendance » actuelle, la réalisatrice Kitty Green impose un réel parti-pris, notamment dans la réalisation et le scénario de son long-métrage, qui n’a malheureusement pas réussi à nous convaincre pleinement.
The Assistant met ainsi en scène le personnage de Jane, véritablement considérée comme la « femme à tout faire » de son patron, dont on verra d’ailleurs jamais le visage, préférant s’incarner tour à tour comme une chaise vide dans un bureau spacieux, une porte fermée, une lumière allumée ou une voix menaçante à travers un combiné de téléphone. Toute la journée, depuis deux mois, Jane sembler passe le plus clair de son temps à organiser les moindres détails du quotidien de son patron, tout en subissant ses accès de colère et la violence verbale dont il peut parfois faire preuve si les choses ne vont pas dans son sens. La caméra de Kitty Green accompagne inlassablement Jane au cœur de cette journée, durant laquelle elle prendra véritablement conscience des abus insidieux réalisés par la présence invisible – et pourtant menaçante – de son patron, abus d’ailleurs suggérés et insinués mais jamais réellement montrés.
Une désillusion
Le métrage met principalement en exergue la désillusion du personnage de Jane, qui découvre progressivement le mécanisme grippé de cette industrie cinématographique qui n’échappe pas au contrôle du patriarcat. The Assistant dresse finalement un constat pessimiste – bien qu’extrêmement réaliste – sur la place des femmes au sein de cette industrie. Cependant, on pourra reprocher à la réalisatrice un traitement bien trop clinique de cette problématique.
En effet, The Assistant se caractérise par une photographie très froide, aux tons grisâtres, qui renforce considérablement la solitude à laquelle se confronte le personnage de Jane, mais bloque inévitablement la transmission d’une quelconque émotion au spectateur, malgré la prestation sans failles de Julia Garner. En évoquant la « loi du silence » admise et respectée par tous les employés de la société de production – qui sont au fait des agissements du patron mais ne les remettent jamais en question – Kitty Green se contente de mettre en lumière un problème connu, sans jamais donner à son personnage principal les clés pour le résoudre.
Bien que l’ambition de mettre en exergue les vices de l’industrie cinématographique soit une démarche absolument louable, on déplore l’absence d’une réelle volonté de changement chez Jane, qui se résignera finalement à appliquer cette loi du silence malgré une brève tentative de remise en question des agissements de son patron.
Malgré les intentions résolument engagées de la réalisatrice, The Assistant s’apparente finalement à une exposition de près d’une heure et demie, ayant tout de même le mérite d’illustrer la difficulté d’être une femme dans un système pensé et dirigé par des hommes.