Quiet Life de Alexandros Avranas : Dodo l’enfant do

Après le succès de Miss Violence et l’échec de son incursion américaine avec Dark Murders, Alexandros Avranas signe son retour sur grand écran avec Quiet Life, sélectionné dans la section Orizzonti de la 81ᵉ Mostra de Venise.

Dans son nouvel opus Quiet Life, Alexandros Avranas explore le quotidien d’une famille de réfugiés russes en Suède, confrontée à un syndrome médical mystérieux. Le cinéaste grec renoue-t-il avec le succès, à l’image de Miss Violence (2012), Lion d’Argent du Meilleur Réalisateur en 2013, ou signe-t-il un nouvel échec après Dark Murders (2019), thriller médiocre avec Jim Carrey sorti directement en VOD ? Verdict ci-dessous.

« Suède, 2018. Un syndrome mystérieux affecte les enfants réfugiés. Dans l’espoir d’une vie meilleure, Sergei (Grigoriy Dobrygin), Natalia (Chulpan Khamatova) et leurs deux filles ont été contraints de fuir leur pays natal. Malgré tous leurs efforts pour s’intégrer et incarner la famille modèle, leur demande d’asile est rejetée. Soudainement, Katja, leur plus jeune fille, s’effondre et tombe dans le coma. Ils vont alors se battre, jusqu’à l’impensable, pour que leur fille puisse se réveiller… »

© Wild Bunch

Une œuvre indécise

Inspiré de faits réels, Quiet Life met en lumière un phénomène médical encore peu connu : le syndrome de résignation. Ce trouble rare, observé en Suède depuis deux décennies, touche principalement les enfants de réfugiés. Accablés par l’insécurité et l’isolement, ces derniers sombrent dans un état catatonique proche du coma.

Malgré un sujet aussi fascinant, le film déstabilise par son manque de direction claire. En mêlant drame social, étude médicale et thriller dystopique, Avranas brouille les frontières des genres, ce qui accentue l’ambiguïté de l’œuvre tout en fragilisant sa cohérence globale.

Plutôt que d’approfondir les absurdités de la bureaucratie ou les dilemmes psychologiques des réfugiés, le réalisateur s’abandonne à une surenchère dramatique. Quiet Life s’égare alors dans une exagération du malheur familial et l’accumulation des épreuves subies par les personnages finit par frôler le ridicule. Ancien intellectuel en Russie, Sergei joue les hommes de ménage, tandis que sa famille perd successivement leur maison, leurs amis et leur liberté. Les parents sont également forcés de suivre un programme de « rééducation émotionnelle » pour pouvoir revoir leur fille. Une infirmière leur impose des exercices absurdes, comme sourire en toute circonstance, malgré le coma de leur enfant et la menace d’expulsion.

Le seul moment de répit se trouve dans une scène légèrement absurde mais mignonne, où Natalia et Sergei tentent de reconquérir leur liberté et transportant les corps inertes/endormies de leurs filles façon Week-end chez Bernie pour une balade en voiture et une baignade à la piscine.

Le style plus que la substance

Même si elle renforce l’ambiguïté stylistique du film, la mise en scène s’avère plus convaincante que le récit. Avranas adopte une démarche minimaliste et austère qui rappelle le cinéma de Michael Haneke, tout en y intégrant une touche de dystopie absurde à la manière de Yórgos Lánthimos dans The Lobster.

Ce style austère se manifeste à travers des décors cliniques et déshumanisés qui traduisent l’indifférence bureaucratique face aux réfugiés. Aucune chaleur humaine ne se dégage de ces couloirs ternes, où les cinquante nuances de gris contrastent violemment avec les panneaux rouges d’interdiction. Avranas joue également avec des plans larges qui soulignent l’insignifiance des personnages, et des plans serrés qui les enferment dans des cadres rigides et symétriques. Un style visuel qui instaure pas mal de tension mais atténue l’impact émotionnel du récit.

Du coté des personnages, l’austérité s’accompagne d’un silence omniprésent. Le casting arrive à transmettre quelques émotions avec un minimum de dialogues, mais l’ensemble devient rapidement pesant, voire soporifique. Seule Chulpan Khamatova tire son épingle du jeu dans son rôle de mère tiraillée entre l’inquiétude pour ses filles, la loyauté envers son mari et la peur de l’expulsion.

© Wild Bunch

Le syndrome de Stockholm

En dénonçant des systèmes de gestion migratoire comparables à des mécanismes totalitaires, Avranas nous rappelle que les horreurs des dystopies fictives trouvent un écho troublant dans notre réalité contemporaine. Malheureusement il ne parvient jamais à articuler son propos avec suffisamment de profondeur, de cohérence et de subtilité pour véritablement marquer les esprits. On note quand même l’originalité d’ancrer l’intrigue en Suède, pays souvent perçu comme une société parfaite et un modèle d’intégration.

Autre défaut majeur, le syndrome de résignation se réduit à un simple prétexte narratif plutôt qu’à un véritable sujet d’analyse. Malgré les recherches approfondies mentionnées par le réalisateur, la surenchère dramatique et l’atmosphère dystopique atténuent l’impact émotionnel du film. L’insertion d’un carton explicatif final sur ce phénomène médical et son impact sur la société suédoise souligne le manque de confiance du film dans sa propre narration et dans la capacité du spectateur à comprendre ses enjeux.

En cherchant à conjuguer réalisme social et esthétisme glacé, Quiet Life perd de vue son sujet principal : l’humain. Le résultat est une œuvre déséquilibrée, où la douleur des personnages se perd dans une mise en scène trop froide et un scénario hésitant. Frustrant.

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