Il fait déjà suer les cinéphiles depuis plusieurs mois… Queer se sera fait attendre mais arrive enfin sur grand écran, dès le 26 février ! Après la Saint Valentin et ses émois, préparez-vous au grand froid.
Pour débuter l’année 2025, Luca Guadagnino nous offre une plongée dans l’esprit de William S.Burroughs, auteur provocateur dont certaines œuvres ont déjà été adaptées au cinéma – Le Festin nu de David Cronenberg ou Les garçons sauvages de Bertrand Mandico. Avec Queer, le cinéaste italien réalise enfin le projet qu’il portait en lui depuis le début de sa carrière. Mais alors, valait-il le coup d’attendre aussi longtemps ?
« Dans le Mexico des années 50, Lee (Daniel Craig), un américain, mène une vie désabusée au sein d’une communauté d’expatriés. L’arrivée du jeune Allerton (Drew Starkey) va bouleverser l’existence de Lee, et faire renaitre en lui des sentiments oubliés. »

La ville des fantasmes
Alors que Challengers sortait il y a quelques mois dans nos salles, Luca Guadagnino nous embarque dans une toute autre expédition, avec la même équipe à ses côtés. Que ce soit à la musique, aux lumières, aux costumes ou au scénario, le réalisateur s’aventure en troupe. Mais après les États Unis, retour en Italie dans les studios cultes de la Cinecittà.
Sur les traces de Fellini, Visconti ou Coppola, le réalisateur et son décorateur Stefano Baisi ont bâti un Mexico hypnotisant. Ses murs jaunes et blancs contrastent avec les arbres en fleur et la lumière dorée du déjà reconnu Sayombhu Mukdeeprom (Memoria, Grand Tour,…). La facticité des lieux cultive un agréable rapport pictural par le traitement des couleurs, des textures et des lumières. Dommage que celle-ci soit contrebalancée de quelques effets CGI (effets spéciaux numériques) complètement ratés, qui distraient notre balade.
Par sa mise en scène, Queer éveille un trouble en nous. Sommes-nous dans une ville fantasmée ? Tout cela ne se passerait-il pas uniquement dans la tête de Lee (ou même de William) ? La mysticité de Mexico nous séduit. Luca Guadagnino en saisit toute la vitalité dans les détails des grains de peau, du soleil frappant ou de la fumée des cigarettes. Il fait chaud, et l’errance des personnages en devient étouffante.
Un amour imaginaire
Rien de surprenant à ce que Luca Guadagnino réussisse haut la main l’exercice de metteur en scène. Le cinéaste ose même prendre le couloir de l’expérimentation pour faire transparaitre la mélancolie et l’animosité de ces hommes. Cependant, en entrant dans la salle, nous nous attendions à une virée en montagnes russes. Succédant à Challengers, Queer se déguste comme le calme après la tempête. Et croyez-nous, ce n’est pas vraiment un compliment.
D’après le réalisateur, la modernité du récit amoureux reflète le « sentiment de déconnexion que nous éprouvons tous à l’ère du numérique ». Pourtant c’est aux protagonistes que nous nous sentons déconnectés, comme laissés sur le bas côtés du wagon. Là où Call me by your name maltraitait nos émotions, ici le personnage de Lee se lance dans une course incompréhensible, disqualifié d’avance. Ni comédie romantique, ni drame romantique, Queer est une réelle tragédie.

Le serpent qui se mord la queue
Prisonnier d’une relation inaccomplie, Lee se noie. Le venin pénètre en lui et dirige ses désirs et ses délires. Notre méprise naît face à son emprise. Nous avons envie de détourner le regard, de ne plus avoir à supporter sa souffrance. Absorbés par des illusions que nous ne parvenons à saisir, il ne reste alors plus que des résidus du personnage. Il n’est déjà plus là.
À travers cette nouvelle adaptation d’un roman intime, Luca Guadagnino tente de troubler les spectateurs. D’après lui, « c’est un film pour la jeunesse d’aujourd’hui et de demain ». Pourtant, il est difficile de s’identifier à cette histoire inachevée, qui aura animé une image de vieillard raté sous les traits de Daniel Craig. Peut-être faut-il davantage de sensibilité pour les travaux de William S.Burroughs pour en saisir toute la névrose.
L’agent 007 revient sous les traits d’un héro(inomane) dans un Mexico infernal. Englouti par une ville où tout n’est qu’illusion, Lee se noie dans ses excès d’amour. Serpents et scolopendres sont tout prêts à se jeter sur lui, tandis que nous digérons notre ennui.