Peut-on traiter un fait sociétal tout en refusant d’en filmer l’aspect politique ? C’est le choix de Tyler Riggs, qui avec Peace in the Valley (en compétition au festival du cinéma américain de Deauville) veut traiter un sujet brûlant d’actualité (la détention d’armes à feu) sans prendre le risque de trop y toucher.
Une famille fait tranquillement ses courses lorsqu’un homme décide de tirer dans la foule… La mère et le fils survivent, mais à quel prix ?
À une époque où il est plus commun d’être victime d’une fusillade que d’avoir un accident de voiture aux États-Unis, et où la question du port d’arme est sans cesse discutée mais jamais remise en cause, Peace in the Valley introduit son film par un attentat dans un supermarché, laissant Ashley et son fils Jesse en deuil d’un père assassiné, mort en héros en tentant de sauver les autres. Le film s’intéresse à l’après-coup, et à la vie après l’accident (comme d’autres films à venir comme Revoir Paris et Ils n’auront pas ma haine), mais en effaçant totalement les enjeux d’un film baignant dans l’actualité.
Pétard mouillé
Le réalisateur veut faire une histoire universelle, accessible à tous, et lisse toutes les thématiques qui auraient pu être intéressantes de développer. Après la tragédie, Jesse (le fils) s’intéresse à la chasse et son oncle l’emmène chasser tandis que sa mère accepte gentiment la proposition alors que son mari s’est fait tirer dessus des semaines plus tôt. Pire, le film ne porte aucun jugement envers les chasseurs et le port d’arme, et lisse toutes les circonstances de la mort du père. Nous entendons qu’il s’est fait tirer dessus, et pourtant, à aucun moment du film le deuil passe par une colère d’Ashley envers l’agresseur. La culture de la chasse est forte aux États-Unis, mais le réalisateur sabote son film en s’éloignant au maximum d’un quelconque engagement envers la tragédie.
Peace in the Valley n’est plus qu’un énième film sur le deuil, n’apportant absolument rien de nouveau sur la question. Évidemment qu’elle ne sait pas comment rebondir après la perte de son mari, évidemment que son fils a du mal après avoir perdu son modèle paternel, évidemment qu’il leur manque… Mais encore ? Malgré son fort potentiel, le film déçoit et continue de poser la question de l’engagement du constat initial.