On vous croit. Un titre fort et engagé. Ce long métrage de Charlotte Devillers et d’Arnaud Dufeys, récompensé à multiples reprises, sort dans nos salles le 12 novembre 2025 et vaut le détour.
Au défi, aborder un sujet aussi pénible que d’actualité : les violences sexuelles sur mineurs dans la sphère familiale. Chaque année 160 000 enfants sont victimes d’agressions sexuelles en France, soit 1 enfant toutes les 3 minutes. Dans 81% des cas, l’agresseur est un membre de la famille, dans 27 % des cas, les pères. L’objet d’On vous croit n’est pas de porter un jugement moral sur les agissements des agresseurs, ni de comprendre leurs moteurs internes. Il vise à mettre un coup de projecteur sur les limites de nos institutions judiciaires, la question de la responsabilité parentale, et l’effet de double peine vécu par ces enfants contraints de comparaître inlassablement jusqu’à ce que jugement soit rendu. Des enfants que l’on peine à écouter et qui cherchent à retrouver leur voix.
« Aujourd’hui, Alice (Myriem Akheddiou) se retrouve devant un juge (Natali Broods) et n’a pas le droit à l’erreur. Elle doit défendre ses enfants, dont la garde est remise en cause. Pourra-t-elle les protéger de leur père (Laurent Capelluto) avant qu’il ne soit trop tard ? »

Faites entrer l’accusé
Ce combat, c’est celui que mène avec férocité Alice (interprétée par Myriem Akheddiou) lorsqu’elle comparaît à nouveau pour justifier la coupure relationnelle avec son ex-mari (Laurent Capelluto), qu’elle accuse de violences sexuelles sur ses enfants. Cette lutte acharnée, que beaucoup de femmes perdent, on ne le voit pas seulement ; on l’éprouve. Le talent des réalisateurs accompagne la lutte. Nous devenons alors les témoins impuissants de ce procès qui se rejoue péniblement.
On vous croit nous plonge alors au coeur de ce combat maternel, dans un réalisme brut et une ambiance clinique, à l’approche quasi-documentaire. Dufeys et Devillers retranscrivent avec une authenticité saisissante les interactions, misant sur l’improvisation des acteurs, et faisant le choix affirmé de véritables avocats pour occuper leur propre rôle dans le film. Cela tombe sous le sens, puisque leur plaidoirie est calibrée, le ton juste.
Flirter avec le documentaire donne du poids à la douleur des personnages, alourdit l’atmosphère et aggrave le propos, pour nous faire prendre conscience que derrière la fiction se cache un fait social. Ex-infirmière, Devillers s’est nourrie de nombreux témoignages tout au long de sa carrière pour donner au récit toute sa justesse. Ce film joue alors le double rôle de sensibilisation et de thérapie, pour lui permettre de faire la paix.

Le poids de la justice en plan serré
Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys font le pari d’un cadrage serré et d’un jeu d’acteur expressif. Centré sur la parole et les visages plus que sur l’action, le film suit le parcours d’Alice et de ses enfants, contraints de revoir leur agresseur, revivre à travers leur témoignage une nouvelle souffrance. La prise continue de 55 minutes confère du réalisme et donne le temps aux acteurs de vivre cette effroyable tension. Cette scène condense la fatigue, la solitude et le désenchantement des victimes broyées par la longueur des procédures judiciaires.
La bataille des expressions faciales est engagée. La guerre des mots aussi. Le seul éclat autorisé n’est pas le rire, mais les pleurs contenus. Myriem Akheddiou livre une prise de parole de près de 25 minutes, apprise au mot près, sans cadenasser l’intention. Une question subsiste : ce choix de réalisation est-il une force ou une faiblesse ? Cette mise en scène sobre, presque aseptisée, traduit la tension de l’audience, mais engendre une certaine monotonie visuelle et narrative. En se focalisant sur Alice, le film retire la parole au père et frôle parfois le manichéisme. Reste à savoir si ce parti pris est une force ou une faiblesse — à chacun d’en juger.
Mes enfants, ma bataille
Mais l’image s’imprime : on ne se remet pas du regard grave et sensible du juge pour enfants (Natali Broods) : le plan serré sur son visage nous permet de prendre la pleine mesure du poids de la décision. En confiant le rôle à une femme, les réalisateurs illustrent la féminisation progressive de la magistrature et l’exigence d’impartialité qui filtre dans son discours. Le poids de la décision, c’est avant tout celui des mots.
On vous croit rend hommage aux mères protectrices et à leur courage. Un combat dont la voix peine trop souvent à être entendue. Alice incarne cette mère-louve prête à tout pour préserver ses enfants. Le film a cela de novateur, qu’il interroge la parole : à qui doit-on la donner ? Qui doit-on croire ? Le parcours émotionnel d’Alice s’entremêle alors à celui du procès. Devillers retranscrit ainsi le combat intérieur du personnage qui « subit la prise de parole des autres sans pouvoir intervenir ». Réfléchissons-y. Un triste matin, le combat d’Alice pourrait bien devenir le nôtre.
