L’Intérêt d’Adam de Laura Wendel : À bout de souffle

l'interet d'adam laura wandel

Présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2025, L’Intérêt d’Adam est un récit huit clos haletant. Il submerge le spectateur dans une mise en scène si précise et confinée qu’elle soulève un dilemme moral aussi bien pour lui que pour les protagonistes.

Après deux ans de documentation et une immersion totale dans un hôpital social de Belgique, dont le service pédiatrique est réputé, Laura Wandel passe quatre ans à rédiger le scénario de son long métrage. L’Intérêt d’Adam est un drame social qui dépeint avec acuité les conditions difficiles subies par le personnel hospitalier en France. Lucy (Léa Drucker), héroïne du film, est démunie face aux manques de moyens (financiers, matériels, humains) auxquels elle est confrontée. Son implication dépasse les limites humaines, bien qu’elle soit tenue par un contrat légal et financier qui lui impose ses obligations. 

L’Intérêt d’Adam nous introduit à un questionnement essentiel : jusqu’où s’arrête le rôle d’une infirmière ? Et comment agir face aux risques vitaux encourus par Adam, victime impuissante ?

 » Face à la détresse d’une jeune mère (Anamaria Vartolomei) et son fils, une infirmière (Léa Drucker) décide de tout mettre en œuvre pour les aider, quitte à défier sa hiérarchie. »

Photo en mouvement dans L'intérêt d'Adam. Rebecca se retournant une dernière fois vers son fils qu'elle doit laisser aux urgences pédiatriques alors que Lucy la conduit hors de l'hôpital.
@Memento

Un enfer filmé de près

L’Intérêt d’Adam représente le service pédiatrique comme un chaos impénétrable. La mise en scène renforce le climat anxiogène. Caméras à l’épaule et plans rapprochés majorent l’envergure de chaque situation et de chaque propos. Laura Wandel suggère également des actions intenses hors-champ, afin d’approfondir le choix d’interprétation de ses actrices et d’impliquer davantage son audience. C’est dans ces moments que le son, encapsulant le cri étouffé de détresse des trois protagonistes, prend toute sa force. 

À travers le récit particulier d’Adam, Laura Wandel rappelle l’importance de la protection de l’enfance. Lucy, et l’ensemble du personnel médical, constituent la première ligne de secours capable de changer le cours de son destin. L’impact sur la santé mentale de ces deux parties est inévitable et interroge sur le danger qu’un parent peut, parfois inconsciemment, représenter pour son enfant. Et ce n’est, souvent, que par la parole de l’enfant que son protecteur peut se défaire d’un comportement destructeur. 

Par ailleurs, Frédéric Noirhomme, directeur de la photographie, crée une tension impressionnante au sein du récit. Grâce à une succession de plans-séquences, le suspens grimpe au fil des minutes, alimenté par l’image d’une infirmière esseulée, privée de son pouvoir de guérison par des institutions juridiques étrangères à l’enfant qu’elles prétendent protéger.

Un dilemme sous perfusion

La plupart des personnages sont victimes de diverses discriminations dont les troubles se répercutent inexorablement sur les enfants, réceptacles démunis. Lucy fait preuve d’empathie face à ces situations désastreuses. Cependant, cette sensibilité lui est sauvagement reprochée, alors même qu’elle semble indispensable. 

Est-il légitime de remettre en question le comportement de Lucy ? Est-elle vraiment capable de savoir ce qui est mieux pour Adam ? Ainsi, se dresse-t-elle comme un rempart fragile face à une structure familiale pratiquement détruite. Cette mère transpose la situation de Adam à son propre vécu et tente de tout faire pour lui éviter le pire. D’autant qu’elle perçoit l’absence de soutien pour Rebecca (Anamaria Vartolomei), incapable de gérer la complexité de leur vie. L’Intérêt d’Adam critique avec force les rapports hiérarchiques déséquilibrés, et peut-être dévastateurs, qui influent sur le destin d’Adam.

Adam Family

Laura Wandel oppose deux actrices incroyables dans un face-à-face captivant. La réalisatrice crée autour de ce duo une ambiance de peur constante, voire aveuglante, qui magnifie la lueur d’espoir qu’elles incarnent pour Adam. Leur performance laisse une empreinte durable sur une audience suspendue à leurs moindres paroles et expressions.

Léa Drucker incarne, avec une rigidité impressionnante et glaçante, le sang froid pratiquement inhumain de Lucy. Elle, qui avait déjà prouvé par le passé, notamment dans Jusqu’à la Garde de Xavier Legrand, sa capacité à saisir la profondeur et la complexité de ses personnages, réalise une interprétation saisissante.

Anamaria Vartolomei, dernièrement visible dans de nombreux blockbusters (Le Comte de Monte-Cristo, Mickey 17) fait un choix judicieux avec ce film. Celui-ci lui permet d’exploiter une autre facette de son talent d’actrice et ainsi de sublimer sa transmission au spectateur. 

Photo en mouvement dans L'intérêt d'Adam. Centré cette fois ci sur Lucy, fatiguée qui conduit Rebecca en dehors du service hospitalier où est Adam.
@Memento

Réalisme coup de poing

Avec L’Intérêt d’Adam, Laura Wandel évite la facilité d’un récit sensationnaliste. Ainsi, la réalisatrice soumet son histoire à un rythme effréné, raconté du point de vue d’un personnage dont l’épuisement transpire à travers l’écran mais le récit n’en demeure pas moins sincère. Un enfant n’est pas traité au même titre qu’un adulte et l’urgence des soins à lui fournir s’impose comme une évidence, pour Lucy comme pour le spectateur. 

Wandel insuffle à son film un réalisme très traumatique, presque documentaire. Elle dévoile le quotidien effrayant du personnel hospitalier, laissé-pour-compte, et l’impact moral, mental et physique que leur métier leur inflige. Elle questionne aussi la limite entre aide et sacrifice de soi. Faut-il savoir renoncer face à certaines situations, irréversibles malgré tous les efforts ? L’Intérêt d’Adam déploie une série d’évènements cathartiques dont les conséquences explosent, emportant le spectateur dans un tourbillon d’émotions galvanisantes.

L’Intérêt d’Adam est un véritable tour de force. La qualité de son scénario et de sa mise en scène s’entrelacent pour immerger le spectateur au sein d’une histoire fictive mais porteuse de dénonciations sociétales nécessaires.

 

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