Quentin Delcourt réunit 11 femmes issues du cinéma français, toutes différentes les unes des autres pour un documentaire intitulé Les Pygmalionnes.
Un titre novateur puisqu’il n’existe pas au féminin, et pourtant, les différents témoignages sur de nombreux sujets prouvent qu’elles sont bien toutes des Pygmalionnes.
11 femmes, 11 personnalités, 11 avis sur des thèmes d’actualité qui concernent les femmes aujourd’hui. Isabelle Gibbal-Hardy, Hafsia Herzi, Aïssa Maïga, Elisabeth Tanner, Céline Bozon, Nathalie Marchak, Laurence Meunier, Alix Bénézech, Anne Richard, Naidra Ayadi et Stefi Celma portent ce documentaire lumineux.
Deux semaines après le fiasco des César, il est important de mentionner ce film qui prolonge le documentaire de Tom Donahue (Tout Peut Changer) mais cette fois-ci dans notre pays. On pourrait s’interroger et douter par rapport au fait qu’il soit réalisé par un homme, mais Quentin Delcourt nous plonge dans un film profondément féministe et engagé sans qu’un point de vue masculin vienne décrédibiliser les propos récoltés.
Il n’y a pas tant à dire sur la forme : chaque sujet est décortiqué par les intervenantes et puis on passe au sujet suivant avec quelques transitions musicales et des extraits de films soulignant les propos énoncés (comme Polisse ou le discours d’Agnès Varda en 2018 à Cannes sur la parité). Simple, et extrêmement efficace. Il n’en faut pas plus puisque les interventions sont toujours bien menées par des thématiques et des questions qui ne sont pas banales mais toujours orientées de manière à ce que l’on apprenne quelque chose de ces thèmes généraux (dont on entend beaucoup parler aujourd’hui).
Il y a bien évidemment la question du salaire et les différences qu’il y a entre les hommes et les femmes, en passant du rapport de force économique des minorités (pas seulement les femmes) à la projection des clichés sur des rôles prédéterminés à l’avance en fonction de la couleur de peau. Elles sont toutes (plus ou moins) issues d’un corps de métier différent et nous permettent de comprendre la place de la femme à différents niveaux.
D’un point de vue personnel et intime : comment sont-elles arrivées à faire ce métier ? Faut-il décider entre son métier et la vie de famille avec des enfants ? Comment s’en sortir lorsque l’on ne respecte pas la conduite imposée par la misogynie depuis des siècles ? Mais également d’un point de vue plus général avec l’émergence de réalisatrices, les portes plus ouvertes et le gain de confiance notable de la part des femmes, la nécessité des quotas aujourd’hui (sans que la qualité soit décrédibilisée par ce système)… Quentin Delcourt les interroge également par rapport à la libération de la parole, un acte d’une grande importance pour « faire changer la peur de camp » comme le dit Aïssa Maïga, parce que selon Naidra Ayadi, « ce qui est grave, c’est ce qui est fait. C’est ce qui est tu. ».
Les Pygmalionnes recueillent des témoignages marquants et nécessaires. En 2018, Agnès Varda et 81 autres femmes montaient les marches au Festival de Cannes pour la parité. En 2020, ce sont ces 35 millions de femmes en France (parce que la cause s’élève bien au-delà du milieu du cinéma) qui demandent une parité à toutes les échelles, et les en priver, c’est aller à l’encontre de la liberté. Il ne faut pas arrêter de filmer la femme, elles peuvent être sexy sans êtres réduits à un objet sexuel, elles peuvent aussi vouloir faire du cinéma comme des hommes (l’harcèlement sexuel en moins), parce que pour certaines d’entre elles comme Alix Bénézech « Si j’arrête ce métier, je meurs ».
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