Mêlant la pratique du documentaire et les séquences créatives faisant écho à sa formation de plasticienne, Alexandra Pianelli réussit avec Le Kiosque – sa première réalisation – à dresser un portrait sincère du métier de marchand de journaux en kiosque, et ce sans jamais se départir de la profonde dimension humaine qui lui est inhérente.
Cette neuvième édition du Champs-Elysées Film Festival – en ligne et entièrement gratuite – a le souci de mettre en avant le cinéma documentaire au même titre que la fiction. Depuis le 9 juin, c’est autant de films documentaires que de films de fiction qui sont proposés chaque jour sur la plateforme du Festival. Après 17 Blocks auquel nous avons consacré une critique sur Cinéverse, le Champs-Elysées Festival propose Le Kiosque pour son deuxième jour, présenté en compétition officielle dans la catégorie « Longs-métrages français ».
Immersion dans le métier de kiosquier
Le Kiosque est le premier long-métrage de la réalisatrice Alexandra Pianelli, artiste plasticienne de formation, devenue pratiquement malgré-elle marchande de journaux au sein d’un kiosque situé au cœur du XVIème arrondissement de la capitale, détenu par sa famille depuis quatre générations. Armée de son téléphone portable – et parfois d’une GoPro – la réalisatrice nous présente le métier de kiosquier, de ses difficultés quotidiennes à sa fonction créatrice de lien social.
Filmé sur une période de six ans, Le Kiosque se fait véritable témoin du la puissance du temps sur les relations humaines, mais également archive d’un métier tourné vers l’humain qui semble vivre ses derniers instants. Alors que la crise de la presse écrite – et la crise tout court – font rage et que notre asservissement à la technologie est de plus en plus palpable, on ne pouvait prédire une autre issue pour ce documentaire que celle de la fermeture du kiosque éponyme, sous les derniers regards d’une communauté qui avait pourtant su tisser des liens au-delà de l’individualisme ambiant.
Le temps et la solidarité
Le Kiosque a la particularité de faire ressentir le temps qui passe au moyen des différentes interactions avec les clients fidèles, ceux qui permettent au commerce de maintenir la tête hors de l’eau malgré la crise. Lorsqu’Alexandra Pianelli évoque au détour d’une séquence la disparition de Damien, un sans-abri habitué du kiosque, le temps nous rattrape brusquement. Ici, une heure de film vaut des années de lien social.
Dès lors, le spectateur prend conscience de la durée s’étant écoulée depuis le début du documentaire, mais bien plus de la solidité des liens tissés avec ces habitués du kiosque. Ensemble, Alexandra et ses clients auront tout affronté, de la crise migratoire à la grève de Prestalis, en passant par la Manif Pour Tous et les nuées de gaz lacrymogène.
Malgré une durée relativement courte (1h18), Le Kiosque d’Alexandra Pianelli réussit à dresser un portrait sincère de la société française de ces dernières décennies à travers le métier de kiosquier. Si le long-métrage comporte une dimension éducative indéniable, qui vise à sensibiliser les spectateurs sur la précarité du métier engendrée par la crise du secteur de la presse écrite, Alexandra Pianelli choisit de centrer son récit sur l’humain et la possibilité de créer du lien social dans une société de plus en plus tournée vers l’individualisme favorisé par la technologie.
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