Le Jardin Zen de Naoko Ogigami : La forme de l’ordre

Le jardin zen

Ce mercredi, Naoko Ogigami fait son entrée dans les salles françaises avec Le Jardin Zen, en composant un panorama où s’entremêlent le tragicomique et le commentaire féministe. 

Dans Le Jardin Zen, Naoko Ogigami traite de sujets contemporains difficilement abordables au Japon. De la charge mentale, à la place des femmes au sein du foyer, la réalisatrice débroussaille. En quelque sorte, elle se fait elle-même paysagiste, agençant un film que l’on retiendra pour l’harmonie et l’équilibre du cadre et de ses idées.

« Luxe, calme et volupté. Tout va pour le mieux dans la vie parfaitement réglée de Yoriko (Mariko Tsutsui) et de tous ceux qui, comme elle, ont rejoint la secte de l’eau. Jusqu’au jour où son mari revient à la maison après de nombreuses années d’absence, entraînant avec lui une myriade de problèmes. Rien, pas même ses plus ferventes prières, ne semble restaurer la précieuse quiétude de Yoriko… Avec tout cela, comment faire pour rester zen ? »

Yoriko et son mari se tiennent assis sur un tatami, les mains en position de prière
© Art House Films

Zoom zoom zen

Ce jardin zen, c’est d’abord celui de Yoriko (Mariko Tsutsui), qui a vu son quotidien basculer en 2011. Son époux a brusquement quitté la maison ; son beau-père, à sa charge, est décédé ; et son fils, parti en ville pour la fac. Un soudain désarroi matérialisé dans le film par la catastrophe de Fukushima. Yoriko, à l’instar du Japon, perd ses repères. Elle réorganise peu à peu sa vie autour d’une obsession pour l’hygiène, et rejoint une étrange secte qui vénère l’eau pure. Les bacs à fleurs du mari sont troqués contre un jardin zen, tout de sable et de graviers.

Entretenir un jardin qui imite les sillons de l’eau, sans jamais avoir besoin d’être arrosé. Tout en vénérant l’eau en tant source d’apaisement, c’est dans l’aridité que Yoriko trouve son calme. La protagoniste, dépassée par les événements, se noie d’autant plus dans sa dévotion pour la secte. 

Une obsession pour l’eau qu’on retrouve jusque dans les choix de réalisation d’Ogigami, qui privilégie les lents travellings et mouvements de caméra. Le cadre, à l’image du jardin zen, rappelle les ondes d’un lac ou les courants d’un ruisseau. Un style qui tranche avec les quelques plans fixes et littéraux où le film flirte avec l’horreur expérimentale.

Stupeurs et tremblements 

Il y a aussi dans Le Jardin Zen ce désir d’Ogigami de s’emparer de sujets contemporains, comme la charge mentale des femmes et leur place au sein du foyer. Des problèmes jusqu’à récemment peu étudiés au Japon. « Mais les femmes doivent-elles continuer de se taire ? » s’interroge la réalisatrice. 

Ménopausée, Yoriko est à la fois épouse, mère et belle-fille. Endossant chacun de ces rôles, elle porte le poids de nouvelles responsabilités et attentes. L’eau devient alors aussi symbole de vitalité : cette jeunesse que l’on vénère, que l’on veut garder ou retrouver, mais qui ne peut que couler entre nos doigts.

Ogigami nous prouve ses qualités de scénariste en portant un regard à la fois critique et amusé sur le sujet. Son commentaire profite d’un ton tragicomique juste et maîtrisé, et magnifié par de grands moments de grâce. Le film s’achève sur Yoriko dansant le flamenco au milieu de son jardin zen. Le gravier vole et les formes deviennent désordre.

Yoriko se tient debout face à son jardin zen. Les sillons sur le sable sont en partie effacés
© Art House Films

Avec Le Jardin Zen, Naoko Ogigami réalise un atterrissage maîtrisé en France. Le film se regarde comme un paysage rafraîchissant. Les formes et les idées s’harmonisent, sous le coup d’une plume futée et d’un cadre habile.

 

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