Prolifique, Bruno Podalydès revient avec sa nouvelle comédie aux couleurs estivales : La Petite vadrouille. Road (ou boat) movie assumé, le long-métrage se laisse regarder avec la plus grande sympathie du monde.
S’entourant d’un casting qu’il connaît parfaitement (Sandrine Kiberlain, Daniel Auteuil ou son frère Denis Podalydès), Bruno Podalydès offre des moments d’une grande émotion sans oublier la colonne vertébrale de son récit : un humour percutant et d’une grande douceur. Véritable ode à la nature, à l’apprentissage et vouant un amour à la figure des perdants, La Petite vadrouille propose un moment d’évasion, à défaut de rester dans les mémoires.
« Justine, son mari et toute leur bande d’amis trouvent une solution pour résoudre leurs problèmes d’argent : organiser une fausse croisière romantique pour Franck, un gros investisseur, qui cherche à séduire une femme. »
La figure du perdant
Il les aime. Bruno Podalydès illustre une nouvelle fois son amour pour les personnages en décalage avec les codes sociaux normatifs, et leurs tendances à trébucher dans toutes leurs entreprises. À l’instar des 2 Alfred, quatre ans auparavant, c’est pour son frère qu’il les écrit le mieux. Denis Podalydès, dans son rôle d’Albin, épouse les traits attachants du meneur d’une bande de losers sans le sou, prêt à tout pour soutirer de l’argent à un riche homme d’affaire (Daniel Auteuil) qui cherche à séduire…sa femme (Sandrine Kiberlain). Déjà amusant dès sa scène d’ouverture, le film modèle des personnages d’une grande richesse émotionnelle pour lesquels on ressent de l’empathie. Mais cela, un temps seulement.
Une fois l’arnaque en cours, Bruno Podalydès dévoile toute sa justesse et sa tendresse d’écriture. Ce n’est plus l’empathie pour les personnages qui domine – ou seulement de la pitié pour celui de Daniel Auteuil – mais de la camaraderie. Sans crier gare, le réalisateur fait de nous des complices de la magouille, avec un œil voyeuriste sur la victime et au cœur des messes basses de l’équipe de bras cassés. Plus c’est gros, plus ça passe. Et de cette proximité avec cette équipe, toute brillamment incarnée par un casting au rythme comique irréprochable, ne reste qu’une chose : la volonté de se laisser embarquer avec eux, au rythme de cette croisière pas comme les autres.
Roulez jeunesse !
En plus de son casting d’habitués, Bruno Podalydès convie aussi Dimitri Doré à prendre part à cette excursion. Ce dernier s’était fait remarquer dans son premier film, Bruno Reidal, où il interprète un personnage sombre, aux antipodes du comique et de l’excentricité de son personnage dans La Petite vadrouille. En conférence de presse, le réalisateur s’est confié sur la présence du jeune acteur dans le film : « Il m’a même fait peur car je me suis dit qu’à chaque fois qu’il sera dans un plan, on ne va regarder que lui. Je n’ai pas écrit exactement [le rôle pour Dimitri], j’imaginais quelqu’un de plus âgé, puis après je me suis dit « tiens, ce petit mousse va changer la donne » Et en effet, difficile de passer à côté de ce personnage ! Il endosse une présence décalée, loin des manigances des organisateurs de la croisière.
Le groupe de Sandrine Kiberlain n’est d’ailleurs pas le seul à se balader sur le canal du Nivernais. Un groupe de jeunes, qui semble bien plus décontracté, et surtout plus libre, fuit sur un petit bateau pour échapper à la société. Et on les comprend : la situation des adultes du film ne fait pas rêver. Ces jeunes offrent un souffle d’espoir au film. Il est trop tard pour les autres, mais peut-être qu’ils pourront se créer un avenir loin de la dépendance matérielle à laquelle la société soumet. Toutefois, il est possible de reprocher au film sa vision grossière et superficielle d’une partie de la jeunesse actuelle.
Des racines et des ailes
Quel voyage ce fut ! Si chaque saison a ses atouts cinématographiques, l’été peut se vanter de transmettre la joie, l’oisiveté et l’évasion. Dans La Petite vadrouille, le spectateur peut se laisser bercer au rythme des vagues et au bruit du vent sur les feuilles. Et le moindre de ces détails, Bruno Podalydès s’en saisit pour faire voyager. On peut lui accorder la grâce et l’attention dont il fait preuve pour filmer la nature. Si la France propose des paysages extraordinaires, encore faut-il savoir les rendre en l’état à défaut de les sublimer. D’une grande intelligence, le film ne surjoue pas de son environnement, mais le laisse exister en arrière-plan durant l’intégralité de son déroulé.
Outre le côté solaire du film, La Petite vadrouille est un plaisir visuel grâce à ses décors et sa mise en scène. Le film peut également sembler aussi linéaire que le canal que parcourent nos protagonistes. Pour autant, ce côté simple permet de nous emporter facilement dans l’histoire. Bruno Podalydès nous explique : « [Les lieux] me servent de support d’écriture. Là je trouvais que les petites écluses, c’était comme des petites scènes de théâtre à chaque fois, des petits décors. Ce sont souvent les lieux qui sont la matrice de la mise en scène. » Le décor semble en effet exploité dans son intégralité. Mis à part l’utilisation des écluses, difficile d’oublier la scène où une jeune femme fait de la balançoire sous un pont, la comédie laissant place à un moment empli de poésie et de douceur.
La Petite vadrouille s’avance comme la comédie incontournable de ce début d’été, idéale pour s’évader de ce printemps pluvieux. Des personnages attachants justement incarnés, des décors naturels envoûtants et un humour d’une grande légèreté qui font garder le sourire durant 1h30… C’est la recette que Bruno Podalydès propose, et nous en sommes clients.
Article rédigé par Josselin Colnot et Lou Le Bail