Sombre et sensuel, La Nuit venue est le premier film du réalisateur Frédéric Farrucci. Il y filme la rencontre électrique entre deux âmes solitaires avides de liberté au sein d’un Paris méconnaissable, au rythme de la nuit transpercée par le faible éclat des néons.
La Nuit venue est un premier long-métrage qui a tout du film noir. Les rues sombres et dangereuses contrôlées par la pègre, ces grosses berlines à l’éclat renforcé par la lumière des néons, jusqu’à la femme fatale électrique ; le réalisateur Frédéric Farrucci épouse pleinement les codes du genre pour mieux se les approprier. Ici la nuit est parisienne, et elle est le terrain de jeu de Jin (Guang Huo, remarquable de justesse) un immigré sans-papiers se rêvant DJ, qui doit rembourser sa dette à la pègre chinoise en endossant le costume de chauffeur de VTC. Jamais réellement libre dans cette ville qui n’est pas la sienne, Jin évolue de client en client au son des mélodies envoûtantes du compositeur français Rone (qui signe la bande-originale du métrage) jusqu’à ce que son chemin croise celui de la ténébreuse Naomi (Camélia Jordana) avec laquelle il partage sa solitude et l’absence de liberté.
On le sait, car bon nombre de cinéastes se sont prêtés à l’exercice, il n’est pas chose aisée de filmer la capitale sans tomber dans le cliché. Dans La Nuit venue, Frédéric Farucci brise l’image du Paris de carte postale qui nous est si familière. Filmée de nuit, éclairée par les néons des clubs de strip-tease et les lumières cryptiques du périphérique, Paris se révèle sombre et rongée par le vice, mais aussi reflet de la solitude des personnages. A l’image d’un Taxi Driver, La Nuit venue s’attarde sur les errances d’âmes solitaires au sein d’une ville malade, profondément marquée par la violence et la luxure.
Au-delà d’une histoire d’amour sensuelle et électrique, La Nuit venue dépeint ces âmes solitaires en marge, celles qui échappent aux conventions dictées par la lumière du jour, cette population que l’on ne voit pas. Le film aurait presque des airs de documentaire, alors qu’il s’efforce de rendre compte de la situation de Jin, qui semble être condamné à rembourser une dette dont il ne voit pas la fin, ainsi que celle de Naomi, une strip-teaseuse qui paraît terrifiée à l’idée de raccrocher. La Nuit venue met en scène la rencontre entre ces deux âmes solitaires en proie à une liberté qui ne viendra jamais, à moins de fuir ensemble ceux qui les retiennent prisonniers. Une rencontre qui atteindra son paroxysme dans une scène d’amour rythmée par les gammes captivantes de Rone.
La Nuit venue transpire l’envie de son réalisateur de proposer quelque chose d’inédit, transposant l’esthétique des films chinois contemporains à celle de Paris, qui se confondrait presque avec une mégalopole asiatique. Si les intentions du réalisateur sont louables, et l’alchimie entre les acteurs principaux (il faut d’ailleurs noter que l’interprète de Jin était un acteur non-professionnel au moment du tournage) absolument palpable, le long-métrage peine à transmettre de véritables émotions.
On peut être emportés par cette esthétique nocturne, par la sensualité de la relation entre Naomi et Jin, mais l’on peut également déplorer le manque d’une bonne trentaine de minutes au film afin de développer au mieux l’implication émotionnelle du spectateur. Car quand le film se termine, toujours au son de l’incroyable bande-son de Rone, on aurait voulu croire davantage à cette relation, qui prend mollement fin au détour d’une balle logée dans la tête de Jin par l’un des membres de la pègre chinoise.
Inégal mais fort d’une esthétique marquée et d’une alchimie incandescente entre Guang Huo et Camélia Jordana, La Nuit venue est de ces premiers films qui confirment que le cinéma indépendant français n’aura de cesse de nous surprendre.
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