La Nuit d’Orion, c’est ce croisement entre la plume morose de Charlie Kaufman et l’aventure fantasmée par tous les adolescents. Mais ce mélange est-il vraiment une bonne idée ?
Avec un casting très attrayant (Werner Herzog en narrateur, s’il vous plaît) et une histoire qu’il est nécessaire de raconter pour les adolescents d’aujourd’hui, La Nuit d’Orion avait tout pour être un merveilleux film multi-générationnel sur les angoisses et sur la manière dont elles évoluent au fil du temps. Du moins sur le papier. Car croiser le récit intimiste au film mythologique n’est pas toujours chose aisée.
« Un garçon plein d’imagination affronte ses peurs lors d’un périple inoubliable à travers la nuit avec son nouvel ami, une créature géante et souriante qui s’appelle Noir. »
C’est parti pour une nuit de folie
DreamWorks est sans aucun doute l’un des studios d’animation les plus inspirés quand il s’agit de raconter des histoires fantastiques, et de donner une identité visuelle marquante pour ses films. Nous sommes habitués à des films de qualité, qui ont un propos précis et qui sont bien ficelés de bout en bout. En cela, cette co-production avec Netflix fait rêver par son affiche originale et son scénario attrayant, autant pour les enfants que pour les adultes. Et durant ses vingt premières minutes, La Nuit d’Orion réussit à bien mettre en place ce qu’il veut raconter, installant une ambiance intéressante et nous mettant dans une position de curiosité pour les futurs événements.
Le personnage manifeste des problématiques claires, transformant chacune de ses interrogations en angoisses palpables. C’est une proposition qui fonctionne très bien, et qui est à la fois drôle et réaliste. Qui n’a pas déjà imaginé des conséquences absurdes et rocambolesques après certains de nos actes ? Le plus drôle, c’est que les parents, tout comme les enfants, sauront se reconnaître dans les projections d’Orion, ce qui en fait la force principale du personnage. Pas étonnant venant de la plume de Charlie Kaufman.
Et malgré ça, le film devient de moins en moins intéressant au film de son déroulement. D’abord parce que les choix des personnages (et leur mentalité) ne suivent pas une évolution fluide, allant parfois à l’encontre même des événements d’une scène précédente. Ce manque de logique créé ainsi un détachement autour d’eux, les rendant peu à peu moins attachants, jusqu’à nous désintéresser presque totalement des problèmes qu’ils rencontrent. Cette distance (presque) imposée au spectateur rend le film long et inconfortable.
Quand la nuit a peur du noir
Un autre problème d’écriture qui rend nuit au scénario de La Nuit d’Orion, c’est sa capacité à lancer des pistes intéressantes sans aller au bout des choses – et en oubliant même ce qu’il dit par moments.
Par exemple, développer la réflexion sur le fait de se sentir comme un monstre. Comment faire lorsque nous faisons partie d’un équilibre, et que l’on est considéré comme le côté mauvais, problématique ? Comment, en étant une entité mythologique, pouvons-nous nous accepter tels que nous sommes ?
Toutes ces bonnes idées que Kaufman lance sont, au mieux, évoquées, au pire totalement effacées. Cela rend le récit d’autant plus frustrant, car il a le mérite de poser des questions existentielles fortes, qui résonnent autant chez l’adulte que chez l’adolescent. Cette principale force du film vient alors mettre en valeur sa faiblesse.
Tout ceci donne aussi un côté indécis au film, qui ne sait pas vraiment où il va, tout comme sa conclusion. Celle-ci s’éloigne d’ailleurs totalement du propos principal, laissant le spectateur devant un générique qui arrive bien trop tôt (ou bien trop tard).
Je veux juste en finir
Forcément, après le sublime Le Chat potté 2 : La Dernière Quête, on attendait une direction artistique au même niveau. La Nuit d’Orion souffre de cette comparaison légitime. Tout y est trop simple. Nous retrouvons un cadrage fixe et coincé, qui ne cherche pas à s’affranchir des limites d’un tournage en conditions réelles. Dommage quand on fait un film qui s’approche du road-trip movie. Avec du mouvement, des paysages, le film aurait gagné visuellement, mais aussi en rythme et en intérêt.
Cette trop grande simplicité s’applique aussi aux personnages. Orion ne présente aucun signe distinctif, et si les entités de la nuit sont dotées de pouvoirs intéressants, ils n’expriment rien de marquant visuellement. Par exemple, le personnage de Rêve aurait gagné à être plus magique et expressif. Les moments où, dans la tête des gens qui dorment, elle n’initie que des rêves simples, auraient gagné à être plus psychédéliques, colorés, s’affranchissant d’un réalisme trop présent dans un film sur des angoisses irrationnelles.
Nous retiendrons comme point positif la scène introspective d’Orion, qui révèle une ambiance angoissante, correspondant parfaitement à la mentalité de l’adolescent. Si les équipes du film sont capables ponctuellement de fournir des scènes aussi captivantes, pourquoi s’en priver pour le reste du métrage ?
La nuit d’Orion est, par conséquent, un film frustrant, qui semble remplir un cahier des charges, sans marquer l’imaginaire du spectateur chevronné. Malgré ses quelques fulgurances et son scénario prometteur, cette co-production est un mystère dans la filmographie de DreamWorks, qui nous a habitués à beaucoup mieux.