La femme sur la Lune de Fritz Lang : First (wo)man
La femme sur la lune est une lettre d’adieu au cinéma muet signée Fritz Lang. Sorti en 1929, ce film apparait comme la dernière folie du duo Lang-UFA (studio de production allemand). Exubérant par son style, la grandeur de ses décors et son ambition, La femme sur la lune est un film témoin, passant le flambeau de la période muette à la carrière parlante du réalisateur.
Le professeur Manfeldt découvre l’existence de mines d’or sur la Lune. Moqué par ses collègues, il devra attendre 30 ans pour que Wolf Helius (Willy Fritsch) ne s’intéresse à ses recherches. Le jeune premier souhaite construire une fusée pour se rendre sur la lune. Viennent s’attacher au projet Friede Velten, la femme qu’il aime, et les intérêts financiers de quelques oligarques.
Aussi imposant que Metropolis, La femme sur la lune se veut être une réponse aux souterrains du film de 1927 en poursuivant un geste inverse (mais non moins complémentaire), la fuite vers l’espace. Comme dans une grande partie de sa filmographie, Fritz Lang mêle ici le fantastique et le réel pour interroger nos rapports au monde et à l’imaginaire.
La femme sur la lune pourrait se scinder en deux parties distinctes. Une première à hauteur d’Homme où Fritz Lang met en œuvre ses enseignements expressionnistes au service d’une ambiance urbaine que l’on retrouvera dans beaucoup de ses films suivants. Et une seconde partie qui se déroule entièrement dans l’espace, convoquant par conséquent d’autres inspirations. Le voyage sur la lune de Méliès en est une fausse. Fritz Lang se détache totalement de l’aspect féerique des décors cartons-pâtes de Méliès pour filmer la Lune dans toute sa matérialité. Le sable s’enfonce sous les pieds des personnages, l’or bout et la profondeur de champ souligne l’immensité de ce satellite hostile. Science-fiction certes, mais réalisme scientifique avant tout. Le film s’ouvre par ailleurs sur le diplôme du professeur Manfeldt, comme pour certifier la véracité de ce que nous nous apprêtons à voir.
Un film précurseur
Le film se tourne donc vers le passé, évoquant Méliès et Jules Verne, mais il a l’œil rivé vers l’avenir. En cela, il est précurseur. Lang avait prédit que les découvertes scientifiques et la ruée vers l’espace seraient davantage des questions de pouvoir politique et économique que de sciences. De la Guerre Froide aux querelles de nos milliardaires contemporains, sa vision s’est confirmée. Reste à savoir si l’art imite la vie ou l’inverse …
Avec cette ultime œuvre gargantuesque, Fritz Lang signe sa lettre d’adieu au cinéma muet et à son gigantisme. S’il délaissera la science-fiction pour toujours après ce film, la suite de son œuvre gardera tout de même la puissance fantastique de La femme sur la lune.
