La Femme de ménage de Paul Feig : Une Cendrillon version thriller

Paul Feig signe le successeur de L’Ombre d’Emily avec La Femme de ménage, un thriller psychologique glamour qui ravira les spectateurs et les fans du roman.

Et si la compétence première d’une femme de ménage était de révéler les plus sombres secrets du foyer ? Après le succès littéraire du roman best-seller de Freida McFadden, l’adaptation de La Femme de ménage est très attendue par les fans. Et comme Feig respecte le matériau d’origine avec beaucoup de soin – peut-être trop ? – cette version cinéma vaut-elle vraiment le détour ?

“En quête d’un nouveau départ, Millie (Sydney Sweeney) accepte un poste de femme de ménage à demeure chez Nina (Amanda Seyfried) et Andrew Winchester (Brandon Sklenar), un couple aussi riche qu’énigmatique. Ce qui s’annonce comme l’emploi idéal se transforme rapidement en un jeu dangereux, mêlant séduction, secrets et manipulations. Derrière les portes closes du manoir Winchester se cache un monde de faux-semblants et de révélations inattendues… Un tourbillon de suspense et de scandales qui vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière seconde.”

©Metropolitan

Ça brille du sol au plafond

Feig ne s’en cache pas : il aime l’ambiance visuelle d’un comico-thriller, l’esthétisme, les couleurs fondues et épurées des comédies romantiques, les costumes travaillés et féminins. Il donne une apparence lumineuse au thriller, avec des décors clairs et idylliques qui s’assombrissent au fil du film et de la montée en tension. Le décalage entre apparence et chaos est travaillé, ponctué de quelques notes d’humour. La Femme de ménage est un enchantement visuel pop et glamour dans la veine de L’Ombre d’Emily.

Chaque élément esthétique en dit long sur les personnages : des dents blanches éclatantes d’Andrew aux cheveux blond-polaire de Nina. Chaque détail mène l’intrigue – les racines grandissantes de Nina, la transformation capillaire de Millie lors de son escapade à New York. Qui est le méchant de l’histoire ? La femme hystérique mais isolée, la fille qui sort de prison ou le bel apollon ? On ne sait plus. Feig joue avec les apparences pour nous pousser à revoir notre attachement aux personnages et à remettre l’intrigue en perspective, pour notre plus grand plaisir.

Les femmes déménagent

Avec Feig, on pouvait miser sur une histoire de femmes fortes et indépendantes, aux fins burlesques et aux éclats émotionnels. L’ère est au woman-led movies, les femmes au centre du récit, et le duo exécutif Sweeney-Seyfried ne pouvait que nous le rappeler avec conviction. Sous la direction du réalisateur, le one-woman show de Seyfried devient d’autant plus puissant, et vient presque faire de l’ombre à la performance de Blake Lively dans L’Ombre d’Emily.

On sent que Feig prend un plaisir évident à placer des personnages féminins au premier plan de l’intrigue – et qu’il n’a pas choisi d’adapter ce roman par hasard. La Femme de ménage, est finalement l’histoire de deux femmes violentées psychologiquement, qui se retrouvent enfermées dans une situation critique qu’elles n’ont pas choisie, et dans laquelle la menace vient de l’intérieur. Dans ce huis clos féminin, quand les filles jouent, les garçons tremblent.

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Une Amanda Seyfried magistrale

Enfermée psychologiquement, Mrs Winchester cherche à se libérer. Mais de quoi ? Vous le découvrirez dans le film. Ce qui compte, c’est la performance puissante portée par une Amanda Seyfried magistrale. L’actrice incarne Mrs Winchester, la nouvelle patronne de Millie. Si le roman dépeint un personnage lunatique et imprévisible, Seyfried va plus loin encore et explore des registres émotionnels qu’elle n’avait jamais abordés auparavant, et ça se voit dans ses larmes, ses cris, les assiettes fracassées au sol, tout sonne juste.

L’actrice livre une Mrs Winchester borderline plus incarnée que dans le roman, ce qui relève de l’exploit. En général, les fans de l’œuvre originale défendent bec et ongles leur lecture et fustigent toute adaptation, Mais ici Seyfried apparaît dans toute son humanité et parvient à enrichir le personnage. Sa performance rappelle d’ailleurs ses premiers rôles à l’écran, notamment dans Jennifer’s Body, révélant son talent le plus viscéral.

Un peu de poussière sous le tapis

Bien que Feid ait su apporter sa patte visuellement , l’adaptation scénaristique reste bien sage. Très littérale, elle manque un brin d’audace narrative. On regrette aussi l’absence du pericoloso mythique et glaçant du jardinier. Ce détail aurait apporté une touche de frisson supplémentaire à l’intrigue. A l’inverse, certaines répliques ajoutées alourdissent le propos là où la règle du show don’t tell se suffit à elle-même.

A l’inverse, la montée progressive de la tension sur le modèle de la Courbe de Fichtean aurait également pu être amplifiée. Après le culot de L’Ombre d’Emily, on attendait une prise de risque scénaristique à la hauteur du talent de Feig, peut-être plus d’excentricité, de folie maîtrisée, une fin alternative, une audace supplémentaire qui aurait transformé cette adaptation fidèle en œuvre inoubliable. Mais il s’agit avant tout des vieux débats entre les puristes et les affranchis. On prend tout de même beaucoup de plaisir à voir ce film tant la mise en scène élégante de Paul Feig et l’engagement de ses actrices le portent avec efficacité et accessibilité. On vous attend dans les salles le 24 décembre !

Si Paul Feig fait le pari assumé de la fidélité au roman plutôt qu’une relecture narrative plus audacieuse, on ne reste pas moins attendri de voir notre femme de ménage préférée à l’écran. Le film révèle une identité visuelle forte, une esthétique soignée et un suspense maîtrisé. Il apporte une bouffée de fraîcheur avec sa version pop du thriller psychologique.

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