INVISIBLE MAN (2020) | Critique

Invisible Man

TRIBUNE LIBRE | CinéVerse donne la parole à un lecteur. Fabio Merli donne son avis sur Invisible Man (2020) de Leigh Whannell.

« Invisible man (2020) : Cecilia Kass (Elisabeth Moss) est en couple avec un brillant et riche scientifique. Ne supportant plus son comportement violent et tyrannique, elle s’enfuit et se réfugie auprès de sa sœur, leur ami d’enfance et sa fille adolescente. Mais quand l’homme se suicide en lui léguant une part importante de sa fortune Cécilia commence à se demander s’il est réellement mort. »

Invisible Man (2020)
(c) Universal Pictures France

Invisible woman

L’histoire de l’homme invisible traverse les décennies. Tout commence avec le roman éponyme de H.G. Wells en 1897. Ce classique de la sciene-fiction donnera successivement plusieurs adaptations, notamment au cinéma, de L’Homme invisible de James Whale en 1933, au plus critiqué Hollow Man de Paul Verhoeven en 2000. Cette mise à jour moderne du conte de science-fiction classique de Wells par Leigh Whanell s’axe intelligemment et de manière innovante sur l’émancipation féminine plutôt que sur le monstrueux œil invisible masculin, renversant la perspective originelle.

Ce changement du point de vue permet à Whannell de privilégier sa protagoniste féminine, tout en continuant à explorer le thème du pouvoir abusif du roman. Tout comme Verhoeven, il montre l’invisibilité comme outil du voyeurisme masculin et de la violence sexuelle. Mais il expose le même problème sous un angle différent, révélant la façon dont les préoccupations des femmes sont si souvent rendues invisibles. Le film innove ainsi dans son intention de renverser le conte de Wells en apportant un souffle moderne, faisant écho au contexte de la société du 21e siècle.

La caméra invisible

En terme de mise en scène, l’œuvre possède par instants de belles fulgurances, provoquant efficacement l’angoisse. Comme par exemple, la désormais fameuse scène du restaurant. Dans cette dernière, en une fraction de seconde, l’homme invisible égorge l’amie de Cecilia, puis glisse immédiatement le couteau dans les mains de cette dernière afin de la rendre (apparemment) coupable. Etat de sidération. Alors dans l’axe de la lame, la caméra panote précipitamment, pour faire le point sur un témoin féminin de la table en arrière-plan. Elle voit la lame, elle hurle, déclenchant la panique dans la salle. La séquence provoque surprise et effroi en jouant sur le différentiel de perception du meurtre par les différents convives, et accentue ainsi l’effet du piège que l’homme invisible a refermé sur Cécila.

C’est donc avec intelligence et originalité formelle que le cinéaste aborde ce mythe. Mais avec un pitch si prometteur, on ne peut presque qu’être déçu par ce qu’il en fait foncièrement.

L’oeil du mal(e)

En effet, cette nouvelle adaptation flirte bien plus avec le thriller psychologique qu’avec la véritable horreur qui nous semblait promise. L’invisibilité s’inscrit dans le cliché de la transfiguration du rien en terreur, nous faisant deviner la présence du détraqué. Mais pour que de l’angoisse venant du hors-champ fonctionne, encore faut-il qu’elle soit subtile, et de ne pas trop alourdir ses effets.

Comme, par exemple, dans la scène de la salle de bain chez Cecilia. Leigh Whannell, avec le bruit de l’eau, cherche à forcer le sursaut du spectateur en usant et abusant du silence. Il fait un insert sur le robinet suivi d’un (trop) long plan où elle le regarde en silence, pour enfin la cadrer en plan d’ensemble. Ce choix de découpage fait anticiper au spectateur que l’homme invisible est déjà là, annulant ainsi l’effet de surprise lorsqu’il la prend par la gorge. Le tout est couvert par une musique bruitiste qui vient suggérer que le tueur est bien présent avant même qu’il se soit manifesté.

L’anneau de Gygès

Par ailleurs, il existe une constante rupture dans l’énonciation du film. La caméra, tantôt en phase avec la perception de Elisabeth Moss, a aussi la fréquente manie de la quitter. Se faisant, elle tend alors à se confondre avec l’œil omniscient de l’homme invisible, flottant, ayant accès à l’inaccessible, avec une certaine tendance au voyeurisme – comme chez Verhoeven. Elle se transforme ainsi en une pulsion scopique qui capte la vision du mal(e). Elle épouse tellement cette vision qu’il devient légitime de se demander si ces promesses d’émancipation féminine au centre du métrage, ne dépassent pas la simple idée du pitch opportunément #MeToo, tant le milliardaire augmenté semble intéresser davantage Leigh Whanell. Le film se perd alors dans un dernier acte qui fait retomber la tension qui s’était installée, avec une écriture alourdie, et une mise en scène de film d’action terriblement classique.

Invisible Man (2020) Elisabeth Moss
(c) Universal Pictures France

Sortie de l’idée d’une revisite moderne et féministe du mythe et de quelques moments brillants mais évanescents, Invisible Man (2020) de Leigh Whanell ne se montre pas à la hauteur du postulat initial, à la croisée entre le Me-too et le too much.

– Fabio Merli (@Fabioa24)

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