Avec Inside, Bishal Dutta transpose la mythologie hindoue dans le cinéma d’horreur. Si l’adaptation peut sembler opportuniste dans le genre saturé du film d’horreur religieux, elle se révèle en réalité plus profonde que cela…
Bishal Dutta est un jeune réalisateur très apprécié en Inde qui a réalisé plus de 19 courts-métrages, séries télévisées et clip vidéo. L’association « The American Pavillon » a même sélectionné une de ces réalisations, La Vie en Couleur, au Festival de Cannes 2018. Ce groupement met en avant le travail de réalisateurs débutants afin de les faire connaître et potentiellement trouver des distributeurs. Inside est son premier long métrage avec lequel il s’essaye à un nouveau registre terrifiant.
« Sam, une adolescente sans histoire, assiste à un phénomène surnaturel terrifiant dans son école. Sa meilleure amie en est la première victime. Elle sera la suivante, si ce qui est enfermé parvient à s’échapper… »
Une empreinte culturelle marquée
En effet, Bishal Dutta place au centre de son histoire, une jeune américo-indienne Samidha – qui se fait plus communément appeler Sam. Issue d’une famille indienne très attachée à ses traditions, Sam ne souhaite qu’une chose : s’éloigner de ses origines pour mieux se fondre dans la masse et être acceptée par le groupe majoritaire environnant. Au point où elle perd de vue des notions essentielles.
Le réalisateur met en avant les difficultés d’intégration de la communauté indienne dans un quartier qui transpire des valeurs pro-américaines blanche. Certains semblent pourtant faire preuve d’ouverture d’esprit ; leurs réflexions inappropriées à la limite de l’appropriation culturelle, en démontrent tout le contraire.
Que ce soit par ses habits ou par ses expressions, Sam est le reflet de l’ambivalence habitant tous les enfants d’immigrés. Bishal Dutta appuie concisément sur ce propos afin de prouver et de justifier son histoire parsemée de différentes péripéties inéluctables. Samidha se retrouve ainsi confronté à la question suivante : « Et si les contes que l’on nous racontait enfant prenaient vie ? ». Ces histoires se perdent souvent de générations en générations. Pourtant, c’est toute la croyance que l’on leur accorde qui sera ici disséquée.
Un film d’horreur « très » classique…
Avec Inside, Bisha Dutta reprend soigneusement les classiques de mise en scène et d’écriture associés aux films d’horreur. Ainsi, avant même de questionner l’origine même des évènements affreux qui se déroulent, Sam sera directement opposée aux conséquences des agissements du monstre. Durant toute la longueur du métrage, le réalisateur crée et maitrise correctement son suspense – le film lorgne d’ailleurs assez largement du côté du thriller. Les rebondissements se suivent et la compréhension des différents épisodes vécus s’intensifie.
Par ailleurs, Bishal Dutta ne nous introduit pas distinctement son monstre. Il nous laisse le deviner. Invisible le jour, il prend de plus en plus une forme cohérente la nuit. La séquence finale nous le présente enfin très théâtralement. De même, le spectateur retrouve les conventionnels jump-scare. Ou encore cette fameuse alternance entre des scènes d’attaque et des scènes plus douce de délibération/préparation à l’attaque. Cet effet majore l’intérêt et la sensation d’incertitude et d’appréhension.
Entre frayeur et introspection cohérente
Fondamentalement, Bishal Dutta souhaite apporter plus de diversité aux mythes, bien souvent païens ou ayant traits à la religion catholique, surexploités dans le monde du cinéma d’horreur. De ce fait, il choisit comme monstre horrifique le « Pishacha », un être psychologique dont le but ultime est de déstabiliser psychologiquement sa victime. Il n’attaque pas pour le simple plaisir de détruire ou tuer. Progressivement, le Pishaha envahit les nuits et le quotidien d’une cible ; l’isole de tout aide possible et se nourrit de tous ses sentiments négatifs.
Choisir ce monstre psychique pour son film n’est pas anodin de la part du réalisateur. Il souhaitait que le personnage principal réalise une véritable remise en question. C’est en se reconnectant à ses origines et aux rites sacrés que Samidha tentera d’affronter le mal qui la poursuit.
Prévisible, certes, mais bien mis en scène, Inside est un film d’horreur qui fait plaisir à voir. La réalisation de Bishal Dutta revivifie l’utilisation des mythes dans le genre horrifique, tout en s’en servant pour présenter les difficultés d’une famille indienne qui tente de s’intégrer tout en restant rattachée à sa singularité d’origine.