Quand les anciens du studio Ghibli donnent vie à leurs films, tous les rêves qui naissent dans la chambre d’un enfant s’enracinent dans la réalité. Et ce que nous considérions comme connu se mue, dès lors, en un continent inexploré. Mais si le faiseur de rêve s’éclipse, que reste-t-il de sa création ? Tel est le propos de L’Imaginaire.
En élargissant nos horizons, nous pouvons voir que les amis imaginaires réapparaissent de plus en plus souvent au cinéma. D’abord avec Jojo Rabbit de Taika Waititi, sorti en 2019, puis avec IF de John Krasinski, sorti plus tôt cette année. Bien que ces deux films aient connu une réception clivante, nous aurions pu croire le sujet épuisé. Pourtant, L’Imaginaire de Yoshiyuki Momose vient troubler cette tranquillité et nous rappelle que les amis imaginaires ont encore beaucoup à nous dire.
« Rudger est un garçon que personne ne peut voir, imaginé par Amanda pour partager ses aventures palpitantes. Lorsque Rudger arrive seul à la Ville des Imaginaires, où les Imaginaires oubliés vivent et trouvent du travail.«
Quand l’imagination sort de la chambre
L’échange de perspectives a toujours été l’une des grandes forces de l’animation japonaise. Celui-ci permet de ne jamais prendre un thème pour acquis et d’en révéler une richesse souvent insoupçonnée. En abordant le sujet des amis imaginaires, le Studio Ponoc explore ce qui se passe lorsque l’imagination dépasse son cadre initial. Quand le créateur cesse de se manifester, et laisse place à l’existence autonome de sa création. Cette existence, bordée de conditions limitantes et idéalisées, fait de chaque enfant du film un démiurge en puissance.
Si l’enfant disparaît ou oublie son ami imaginaire, il ne reste alors qu’une création vide, ayant pour seule motivation de retrouver son créateur, où d’en trouver un nouveau. Cette liaison, presque religieuse, entre l’enfant et son Imaginary, constitue toute l’originalité et la pertinence de ce long-métrage. Cette nouvelle vision, teintée de deuil et d’absence de l’être aimé révèle une autre réalité. Celle que nous avons imaginée, celle qu’il était nécessaire de voir pour commencer à prendre soin de ce qui nous entoure.
Pour autant, si le film peut sembler assez pessimiste de prime abord, il révèle au fil de son déroulement de l’espoir et de la positivité. L’Imaginaire n’essaie pas de faire pleurer le spectateur, mais plutôt de lui offrir une leçon. Il montre que nous pouvons nous émanciper des raisons pour lesquelles nous pensions exister jusqu’alors. Nous reconstruire malgré l’absence des êtres chers. C’est là l’une des forces principales du film. Il se rend accessible à toutes et tous et n’essaie pas de se justifier dans ses dernières minutes. Le film se construit du début à la fin sur un propos qui n’est pas évident, tout en rendant hommage à chaque personne ayant déjà vécu une expérience similaire à celle de Rudger.
Si on s’inspire, on expire
Mary and the Witch’s Flower, premier long-métrage du studio Ponoc, parvenait déjà à trouver son originalité en revisitant un conte connu. L’Imaginaire puise à la même source, avec une expérience supplémentaire. Sous ses airs enfantins, le film s’inspire d’autres œuvres de qualité telles que Coco du studio Pixar ou encore Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry. Ces œuvres explorent les conséquences de la mort et de l’oubli, autant sous un prisme factuel que symbolique. Le film présente des choix esthétiques marqués, assumant pleinement ses inspirations. L’ensemble est appliqué avec une justesse et une cohérence remarquables. L’Imaginaire se construit ainsi dans un univers crédible, tant visuellement que scénaristiquement.