Originellement directeurs de la photographie, Austin et Hailey Spicer se lancent dans l’aventure du premier long métrage avec I Feel Fine
Ainsi, ce n’est pas une coïncidence que ce binôme de cinéastes choisit le genre du “coming of age movie” pour I Feel Fine. Austin Spicer s’est inspiré de son propre vécu pour transposer cette histoire. Tout comme Ozzy et son groupe d’amis qui débutent une période marquante et probablement décisive de leur vie, Austin et Hailey Spicer réalisent une digne entrée en matière dans la salle de cinéma.
« Ozzy Taylor (Elijah Passmore) a tout pour être heureux mais il souffre d’un trouble obsessionnel compulsif. Entouré d’amis en or et de parents aimants, il affronte son obsession du suicide avec une joie de vivre indéniable « .
Du côté de chez Dawson
I Feel Fine transpire l’amour du cinéma. Que ce soit à travers sa palette de couleurs vives, son montage épuré et ses plans transcendants. Tout est un hommage au septième art. Ces deux réalisateurs reprennent les codes classiques du genre “coming of age”. L’histoire se déroule en campagne profonde des États-Unis en plein milieu de l’été. Le filtre sur-saturé de l’image et la musique empruntée aux années 80, plongent les spectateurs dans la chaleur étouffante de ces régions en cette saison.
Il est difficile de ne pas faire d’association avec des séries très connues telles que Dawson ou Strangers Things. Le spectateur fait face à cette bande de potes qui oscillent entre leurs frasques, leur scolarité et le début de leur vie amoureuse. Il est d’autant plus impossible de le nier au vu des plans très spécifiques que reprennent Austin et Hailey Spicer pour mettre en scène leurs personnages. De ses scènes tendres, perdues, dans les vallées naturelles à celles où Ozzy et ses meilleurs amis débarquent à vélo sur des routes isolées. La beauté et l’innocence de la jeunesse transpirent d’espoir et d’esthétisme dans I Feel Fine.
Parker Lewis se perd parfois
Cependant, Austin et Hailey Spicer tentent d’approfondir leur représentation de cette jeunesse en l’associant aux troubles qui parfois l’accompagnent. Ainsi, aussi bien entouré et joyeux qu’il semble être au premier regard, Ozzy souffre de TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Ces derniers créent en lui une véritable psychose autour de la mort. Malheureusement, aussi louables soient leurs efforts pour mettre en lumière cette maladie, les deux réalisateurs/scénaristes échouent dans la transmission qu’ils en font.
Effectivement, plusieurs défauts très techniques assèchent l’émotion du récit. D’abord Austin et Hailey Spicer écrivent de façon caricaturale l’ensemble des personnages (parents, enfants, amis). Ces derniers manquent ainsi d’envergure et de nuance. La figure paternelle (Corin Nemec, aka Parker Lewis) va être mise en avant sans que l’idée initiale, qui serait de montrer l’importance de la relation père-fils, soit approfondie. De même, les séances de psychologie sont très superficielles. Elles ne permettent certainement pas de saisir les origines des troubles d’Ozzy et ce qu’implique la maladie en elle-même. Tout le monde dit à Ozzy ce qu’il pense de sa maladie, mais personne ne lui laisse la chance d’exprimer ce qu’il ressent vraiment.
I feel pas grand chose
En comparaison, l’obsession pathologique est traitée de façon plus cohérente dans la saison 3 de Heartstopper (visible sur Netflix), bien que Charlie Spring ne souffre pas exactement de la même obsession. Les showrunners ont su construire une émotion, qui, en comparaison, se fait longuement attendre dans I Feel Fine.
Ici, le montage du film est vraiment confus. Certaines scènes se suivent et ne font pas forcément sens entre elles. La mise en scène, relativement maladroite, prive ainsi les acteurs d’une certaine alchimie. Elle prive également les spectateurs d’y porter un intérêt concret. De prime abord, il ne semble pas si simple de traiter de ces situations émotionnellement complexes à l’écran et d’en transmettre un message quand il s’agit de sa toute première réalisation. Pour autant, des films tels que Le Monde de Charlie de Stephen Chbosky ou encore Virgin Suicides de Sofia Coppola en saisissent beaucoup plus l’essence.
Malgré l’attachement de Austin et Hailey Spicer à l’art de la narration (comme le démontre la référence appropriée au film La Vie est Belle de Frank Capra), l’ensemble de la situation paraît beaucoup trop romancée au vu de sa gravité. Son rythme plat alourdit cette impression. Les acteurs ne sont, par ailleurs, pas totalement convaincants.
En dépit de la sincérité de Austin et Hailey Spicer, I Feel Fine comporte trop de lacunes techniques pour créer l’émotion nécessaire à ce type de récit