Hellboy revient, et il n’est pas terrible.
Les fans de Guillermo Del Toro attendaient bien plus un troisième opus qu’un énième reboot putassier. Armés de leurs lances et boucliers, ils étaient prêt à découper en morceaux le Hellboy sauce 2019. Mais ce serait oublier de mentionner le talentueux réalisateur Neil Marshall (The Descent, Dog Soldiers, Games Of Thrones et la Bataille de Blackwater) aux commandes de cette nouvelle version. Laissons lui au moins un bénéfice du doute potentiellement salvateur, voire une place inattendue pour un plaisir coupable.
Une renaissance perturbée
Avant de plonger dans les nouvelles aventures du bonhomme rouge, rappelons le contexte difficile dans lequel est né ce reboot. Tout commence par une trahison. Celle de Mike Mignola, jaloux de l’appropriation de son bébé par Guillermo Del Toro. Toujours avide d’argent frais, il aida Lawrence Gordon à relancer la machine sans le génie mexicain à son bord. Pire, il se targuait même d’un film qui sera plus proche du comics, comme pour rassurer les fans quant à la fidélité du remake.
Mais un tournage conflictuel entre David Harbour/Hellboy (réécrivant ses propres parties du scénario) et Neil Marshall, ce dernier se voyant retirer son directeur de la photographie. Un budget trop serré (50 millions de dollars alors que le dernier de Guillermo Del Toro en avait presque le double). Puis un scandale de white-washing sur le choix de Ed Skrein pour le major Daimio, montrait déjà des signes de mauvais augures.
Présage confirmé par la réception désastreuse des différents trailers promotionnels et essais de maquillages. On mentionnera une critique US aux dents longues qui a fini de tuer un Hellboy déjà mort-né, voulant certainement se rattraper d’avoir oublié de mettre en avant les versions de Guillermo Del Toro à l’époque de leurs sorties. Un Oscar et le temps aident toujours au gain de popularité.
Une mythologie saccagée
Dans ces conditions, il serait facile de tirer sur une ambulance avec les roues déjà crevées. Surtout au vu de la manière dont cette dernière fut construite. Il en ressort pourtant un plaisir coupable de sale gosse bourré à la bière chaude où Neil Marshall arrive a donner un hommage sanglant et trash, proche du roue libre, au comics originel. Bordélique et sentant la transpiration des bars de Tijuana, Hellboy à la sauce Marshall donne dans le vulgaire à outrance. Un cache misère narratif certainement écrit et monté sous influence de tequila citronnée par quelques segments réussis mais salé d’inabouti.
Hellboy est balancé dans une aventure arthurienne où il doit affronter une sorcière revancharde après un démembrage à coup d’Excalibur il y a des millénaires de cela. L’intrigue multiplie les séquences d’exposition et les arcs narratifs au point d’en ralentir l’action. Elle introduit n’importe comment ses personnages au point qu’on croit être dans un hors-série de la Dark Horse et, comble de cette catastrophe de storytelling, oublie de clore certains de ses nombreux arcs. On a souvent l’impression d’arriver à une soirée déjà bien entamée et d’en être viré sans savoir pourquoi ni comment.
Un héros raté
Mais le plus gros échec d’écriture du film tient en son personnage principal, Hellboy en personne. Le fait d’être un adolescent irrévérencieux ne dénote pas des précédentes versions. Mais on mauvais caractère et sa vulgarité sont noyés dans la masse des autres personnages subissant le même degré de grossièreté.
Son bras droit, clef de l’apocalypse chez Guillermo Del Toro devient ici un simple outil. Il est même utilisé comme un gag lourd et répétitif. Cet élément important du personnage est laissé à l’épée d’Excalibur. Justifiée dans les comics, l’arme légendaire du Roi Arthur est présente sous forme de Deus Ex, sans apport mythologique supplémentaire. Hellboy devient le symbole des origins story du film totalement ratées.
Des CGI catastrophiques
En guise de leurre, Neil Marshall tente vainement de noyer le spectateur sous un déluge de FX vomitive, à peine sauvé par un make-up de qualité. Le gore mis en avant est d’une vulgarité et d’une laideur affreuse. Nos yeux saignent régulièrement devant ce déluge de fond vert répugnant et de CGI dégoulinant. L’esthétisme est d’ailleurs dans son ensemble affreux, définissant bien les conflits artistiques subis pendant le tournage.
Comme une exception qui confirme la règle, la séquence salvatrice vient non pas de Neil Marshall mais du directeur artistique, celle de Baba Yaga. Mécanique, comme manipulée telle un pantin. Organique par son pacte scellé d’un baiser répugnant. Attirant comme le repas proposé sur la longue table du salon de la sorcière slave, cette séquence arrive dans un brouillard numérique du plus bel effet. Elle dénote tellement du reste qu’on lui prêterait bien une filiation d’un autre métrage dirigé par un certain Guillermo Del Toro. Une réussite qui d’un point de vue narratif n’aboutira sur rien, son arc narratif faisant partie des victimes de la catastrophe de storytelling.
Hellboy est très mauvais. S’il mérite globalement son éclatement de rotule depuis quelques mois, on peut en ressortir quelques éléments satisfaisants (Baba Yaga). A l’époque dorée des vidéoclubs, Hellboy 2019 aurait certainement eu un sauvetage miraculeux sur les bornes de DVD pour animer les soirées de beuveries entre lycéens gavés à la pizza surgelée. Malheureusement pour lui et heureusement pour nous, il disparaîtra dans les tréfonds numériques des SVOD. Ne resteront que les regrets éternels pour la conclusion d’une trilogie avortée. Celle de Guillermo Del Toro et du magnifique trio Ron Perlman/Selma Blair/Doug Jones.