Les lumières s’éteignent dans la salle, une vidéo commence. Sur celle-ci, ce n’est nul autre que Takashi Miike en personne. Non sans un certain mal à garder son sérieux, le réalisateur japonais s’excuse de toutes les atrocités mises en scène dans ses précédents films et nous assure que ce nouveau long-métrage, First Love, ne met plus à l’honneur décapitations, viols et autres crimes en tout genre, mais bien une histoire d’amour.
Un public averti, connaisseur du style Miike, aura bien du mal à prendre au sérieux les propos du réalisateur. Et on ne peut lui en tenir rigueur, lorsque seulement quelques minutes après le début de First Love, une tête fraîchement décapitée au sabre effectue un triple axel dans les airs avant de s’écraser lamentablement sur le sol. Show must go on.
Plongés dans l’ambiance crépusculaire de la ville de Tokyo, illuminée par les lumières des gratte-ciels et des rues animées, Takashi Miike nous invite à suivre le destin de Leo (Masata Kubota), un jeune boxeur ayant perdu son combat après un évanouissement sur le ring et ayant été récemment diagnostiqué d’une tumeur au cerveau. En parallèle, on découvre les terribles conditions de vie de Monika (Sakurako Konishi), une call-girl toxicomane en proie à de violentes hallucinations, forcée de vendre son corps afin de rembourser la dette de son horrible père auprès des yakuzas. Constamment sous l’emprise de la drogue, Monika n’est plus libre. Sa maquerelle Julie, membre de ce fameux clan, traque le moindre de ses déplacements à l’aide d’une application mobile. Utilisée comme mule par le clan des yakuzas, Monika se retrouvera malgré-elle au sein d’une guerre des gangs menée contre un clan chinois, à laquelle s’ajoutera Otomo (Nao Ohmori), un flic ripou de mèche avec Kase (Shôta Sometani), un yakuza bien décidé à trahir son clan pour en devenir le leader. Leo se retrouvera par hasard dans cet affrontement cacophonique sur un quiproquo : Monika en proie à ses habituelles hallucinations, prendra Otomo pour son père et cherchera à lui échapper en hurlant dans la rue. Leo, se pensant destiné à une mort prochaine, n’hésitera pas à défendre la jeune femme en frappant le policier.
Si cette histoire paraît abracadabrantesque, c’est bien parce qu’elle l’est. First Love est un concentré d’absurde et de rebondissements dans une intrigue tentaculaire. Takashi Miike nous présente une pléthore de personnages tous plus déments les uns que les autres, desquels se détache clairement Leo, ce personnage résigné, prêt à tout pour faire quelque chose des derniers instants de sa vie, si ce n’est prendre part à une gigantesque guerre des clans afin de rendre à Monika sa liberté. Si le film s’appelle First Love, c’est bien parce que Leo tombe amoureux de Monika et n’estime ne plus rien avoir à perdre car la fin de sa vie approche. Evidemment, le long-métrage ne se focalisera pas sur cet amour naissant, préférant combler le public en soif de combats dantesques et de situations incongrues, à l’aide de séquences de duels au sabre impressionnantes et de scènes absurdes révélant toute la force et la folie de chacun des personnages présentés.
Beaucoup plus sage que dans ses précédentes réalisations, Takashi Miike a conquis le public du Festival International du Film Indépendant de Bordeaux avec First Love. En résulte un film délirant, terriblement dynamique et rafraîchissant, teinté d’un humour à l’extrême limite de l’absurde, qui ravira les habitués du cinéma de Miike autant que les néophytes.
Pingback: Audition de Takashi Miike : Désillusion amoureuse | Critiques