La recette pour réussir son ascension politicienne en 24h chrono ? Fils De rappelle avec un humour millimétré que les liens du sang sont parfois plus forts que la politique.
En piste pour élire un nouveau Premier ministre, mais à quel prix ? Carlos Abascal Peiró signe avec Fils De son premier long métrage sur les coulisses du pouvoir politique français, dans lequel satire sociale flirte avec un cas de conscience filial. Un genre cinématographique prisé à Hollywood, mais sous représenté sur nos écrans. En bonus, comme on aime s’amuser dans la team CinéVerse, un oeuf de Pâques s’est glissé dans cette critique, saurez-vous le repérer après visionnage du film ?
« Une semaine après la présidentielle, la France cherche toujours son Premier Ministre. Nino (Nino Graneli), jeune attaché parlementaire ambitieux, est missionné pour convaincre son père, Lionel Perrin (François Cluzet) d’accepter le poste. Mais cet éternel perdant a coupé les ponts avec la politique…et son fils. Nino se retrouve embarqué dans une course effrénée où tous les coups sont permis. Il a 24h pour sauver sa carrière, son couple et si possible l’avenir de la France ! »

24h chrono
Carlos Abascal Peiró impose d’emblée sa signature : un style ramassé, des dialogues incisifs, et un découpage nerveux. Il garde le cap qu’il s’est fixé dans ses précédentes réalisations, la tragicomédie dans la veine de The Thick of it. Le secret de son succès repose dans une recette qui a fait ses preuves : Plans serrés, rythme haletant, tension palpable, personnages vifs, pitch percutant : 24 h pour convaincre Lionel Perrin d’endosser le rôle de Premier ministre. Un père effacé, un fils ambitieux, une République en apnée : les personnages sont dans dès le début dans une impasse.
Son tour de force réside dans des dialogues ciselés au service de la tension. Abascal Peiró le dit lui-même : « j’aime les univers où la parole est fondamentale, même si souvent elle ne sert à rien ». Si une chose est certaine, chaque mot compte dans Fils De. L’ellipse d’ouverture installe une atmosphère lourde de tensions latentes où il faut combler les silences entre les mots. Avec le soin du Petit Poucet, il sème un faisceau d’indices sur le dénouement de l’intrigue et orchestre une montée en tension progressive qui prépare la chute. Le secret de ce savant dosage est aussi bien gardé que celui de la découverte de la muscade.
Il était une fois dans l’ouest parisien
En tout bon film engagé, l’humour nous pousse à dépasser notre perception de la réalité, réfléchir au sens des choses, aux valeurs partagées, et à la cohérence de nos sociétés humaines. Abascal Peiró le dit lui-même : « le courage et la vertu se situent probablement à quelques millimètres du ridicule ». Cet esprit décalé infuse Fils De dès la première scène, où un activiste perd un doigt… littéralement. La politique devient alors un terrain d’affrontement de type western spaghetti où les personnages portent le masque de cow-boys noyés dans leurs manigances politiques.
On y croise une stratège politique au bord de la crise de nerfs ; un ancien militant écologiste idéaliste aux idées de grandeur ; un fils maladroit que tout le monde sous-estime… le sujet de l’écologie pourtant central est relégué au second plan de la course à l’Elysée et le Président est aux abonnés absents. En appui, la mise en scène adopte les codes du comique : dolly zoom pour les coups de foudre ou encore les objets-signatures, à l’image des bottes rouges de Malka (Sawsan Abès) qui rythment les scènes en leitmotiv visuel. Passionné par le cinéma italien, Carlos Abascal Peiró polit ses personnages comme des joyaux d’humour noir : ils se bousculent, s’écrasent, prêts à tout pour s’attribuer un trône bancal. Le réalisateur verse de l’humour dans la boite noire politique pour réveiller les consciences, puisque « la moquerie devient politiquement utile (que) lorsqu’elle vise nos convictions ».
« M’enfin ! J’suis quand même le père de mon fils »
En politique on veut souvent s’affranchir de l’ancien, faire table rase, créer son identité propre puisque « l’enfer, c’est les autres ». Derrière la satire, Fils De explore avec finesse une vérité universelle : on ne choisit pas toujours ses héritages, mais on peut choisir ce qu’on en fait. Nino (petit enfant en espagnol) veut tuer le père, se détacher de cet héritage politique qui l’étouffe, rêve de l’adoubement, mais finit par l’incarner malgré lui. L’histoire tombe alors dans la quête d’identité et le storytelling vient en soutien de ce processus.
Les personnages sont imparfaits, abîmés, en construction, et c’est justement dans cette humanité brute que le ton du film touche au cœur. Abascal Peiró le dit bien, la politique fait partie de ces secteurs implacables, alors peut-être est-ce une main tendue à notre enfant intérieur, un appel à replacer notre humanité au coeur de la politique, pour remettre de l’ordre dans le grand chaos du monde. Ce film réchauffe les dynamiques de pouvoir avec ce duo père-fils attendrissant, rappelant avec optimisme que les liens du sang sont parfois plus forts que la course à l’Élysée.

Un dilemme filial au rythme effréné qui, au cœur du chaos politique, nous ramène à l’essentiel : les valeurs morales et les liens du sang. Fils De rappelle que derrière les postures politiques, se cachent des hommes en quête de sens.