Avec une quatrième édition grandiose, Filmoramax, créé par Arnaud Mizzon, est en passe de devenir le festival du court-métrage de référence dans le monde du cinéma.
Du 1er au 5 octobre, s’est tenue pour la quatrième année consécutive l’édition du Festival international du court-métrage à Lyon. Entre événements et animations spectaculaires, sans oublier une sélection aussi qualitative que prometteuse, Filmoramax et Arnaud Mizzon ont une fois de plus tenu leur promesse : offrir du grand cinéma en format court. Ces cinq journées ont été marquées par deux éléments rares dans ce milieu : le dialogue et l’accessibilité.
Un point d’honneur souligné par le créateur du festival, aussi acteur, réalisateur et scénariste, qui nous a fait l’honneur de s’entretenir avec nous entre deux projections. De sa vision du cinéma à ses premiers souvenirs dans les salles obscures, en passant par l’état général du court-métrage, cette discussion a permis de mieux comprendre son approche du milieu, les enjeux réels de Filmoramax, et sa vision de l’avenir des cinéastes.
Durant tout le festival, l’accessibilité est une chose qui a beaucoup été mise en avant, entre le public, mais aussi entre les producteurs, les acteurs et les réalisateurs. C’est un contexte qui est plus que favorable pour faire et pour faire voir du cinéma. Est-ce que c’était le but durant le processus créatif du festival ?
ARNAUD MIZZON : C’est une très bonne question. C’est clairement l’enjeu du festival. C’est pas d’entre-soi, pas d’impossibilité de rencontrer qui on veut, quand on veut. L’idée, c’était de rendre la chose très populaire, donc le peuple. Avoir des liens qui puissent se créer beaucoup plus facilement, rétrécir le temps pour faire des projets ensemble. C’est-à-dire accélérer si je suis un réalisateur et que j’ose pas, que c’est dur de rencontrer quelqu’un…
Et puis ça coûte cher d’aller à un festival. Prendre ton billet de train quand t’es pas invité. Je l’ai fait cent fois. Moi, j’ai voulu tuer ça. C’est possible de rencontrer plein de gens qui peuvent me donner cette chance là. Et ici, on rencontre beaucoup de gens très généreux.
C’est un contexte assez fou. Tout comme cet étudiant qui échange avec Rod Paradot durant sa masterclass en lui proposant de travailler ensemble. On sent que c’est du plaisir et de la proximité entre tous les métiers et acteurs du cinéma. Avec tout ça, est-ce que vous auriez participé au festival si vous étiez un jeune réalisateur ?
A. MIZZON : J’ai créé ce festival pour le faire un jour. Je ne le ferai jamais mais j’ai créé un festival où j’aurais adoré être nommé. Voilà ce qu’est Filmoramax, pour la réponse très intime. La réponse un peu plus publique, c’est de mettre en avant les talents du monde entier, ce qui est une réalité. Les deux réponses se touchent : c’est accueillir et mettre en avant dans les meilleures conditions les talents du monde entier.
« Je ne le ferai jamais mais j’ai créé un festival où j’aurais adoré être nommé. »
Vous aviez demandé à Rod Paradot comment il se rapportait au court-métrage, savoir si c’était plus un moyen de s’entretenir et d’entretenir sa carrière, ou si ça pouvait être une fin en soi. Est-ce que le court-métrage peut être une fin en soi pour la carrière d’un réalisateur ?
ARNAUD MIZZON : Pour moi, évidemment, c’est une carte de visite. C’est un avenir. Je ne crois pas qu’on puisse faire une carrière de court, très honnêtement. Ou alors il faut faire autre chose à côté. C’est possible mais ça restera exceptionnel. Pour moi, c’est véritablement le meilleur moyen de faire du long.
Pour ceux qui font du court et pour ceux qui comptent faire du long plus tard, est-ce que vous avez quelque chose à leur dire ?
A. MIZZON : Il faut faire, il faut tenter. Envoyez des films. Il faut rêver, il faut oser. Il faut être travailleur, résiliant. En vérité, c’est résiliant. C’est ça qu’il faut retenir.
Pouvez-vous nous partager un souvenir ou une séance qui vous a marqué dans votre vie, que ce soit à Filmoramax ou pas ?
ARNAUD MIZZON : Une séance. 5ème B, collège Fénelon, 11 ans. La vie est belle de Roberto Benigni en version italienne. Petite salle d’un quartier, 80 personnes, sortie obligatoire d’un atelier théâtre. C’est une rencontre avec le cinéma, une claque ; j’en pleure la nuit, je veux faire ça plus tard. J’ai encore le siège dans le dos, je sais encore où je suis dans la salle. Et je suis le seul à pleurer, à m’effondrer en larmes. J’ai été très sensible. Je ne comprenais pas pourquoi. Le cinéma m’a sauvé. Je pense que s’il n’y en avait pas, je serais fou.
Je fais partie de ces humains très sensibles, qui pleurent facilement. Ce film m’a bouleversé à un point. C’était pas ma première fois au cinéma. j’en avais fais un ou deux, j’avais compris ce que c’était, je m’y étais vaguement intéressé. J’avais vu des films comme Star Wars. C’est marrant parce que je l’ai vu avec Baptiste qui est responsable de l’organisation du festival, mon associé. On avait tous les deux 7-8 ans. Ça m’a beaucoup marqué aussi. En tout cas, La vie est belle est une claque monumentale que je ressens encore.
Est-ce qu’il y a un film, à Filmoramax ou non, qui mérite d’être davantage mis en lumière ?
A. MIZZON : J’en ai trop là (« rires »). Peut-être Tellement Proches de Nakache et Toledano, qui est le moins connu et pourtant le plus brillant pour moi. En court-métrage, Matriochkas de Bérangère McNeese, qui est le meilleur court-métrage du monde. J’ai envie de te dire 100 000 films, mais je dirais ceux-là.
« À Filmoramax, il y a toutes les richesses du monde pour créer un monde nouveau. »
Une dernière question concernant l’affiche de Filmoramax. Il y a eu une évolution entre 2022 et 2024. Pourquoi avoir choisi ce côté désertique ? Êtes-vous un admirateur secret de Dune et Mad Max ?
ARNAUD MIZZON : (« rires ») C’est marrant parce qu’on me fait souvent la remarque pour cette affiche. Chaque affiche est une métaphore ; chacune a une signification, extrêmement dans la fable et dans cet aspect imaginarium. Ici, c’est la métaphore du sable et du désert, où quand il n’y a rien, il y a tout. Se dire finalement que dans le désert il n’y a rien, pourtant la ressource majeure est le pétrole qui se trouve dans des pays très arides et notamment dans le désert.
Je m’imaginais un sol où tout était désertique, mais le pétrole, l’or noir, serait en dessous de ce désert. À Filmoramax, il y a toutes les richesses du monde pour créer un monde nouveau.
Est-ce que vous connaissez la mécanique du grain de sable ? Si oui, est-ce que le cinéma peut être le grain de sable qui casserait les rouages dans la vie d’une personne ?
A. MIZZON : Je ne la connaissais pas, mais on en a parlé quand on a pensé à faire l’affiche. Et ce serait dur de dire non. en réalité. C’est dans l’espoir de penser à ça. C’est une question philosophique, en fait. Je ne sais pas si c’est avec cette mécanique là que le cinéma peut jouer mais il peut apporter énormément aux sociétés.
Mais je suis un fervent défenseur du cinéma. Je veux du cinéma partout : dans les écoles dans les collèges, dans les lycées. Les gens se taperaient moins dessus. Peut-être que je suis un utopiste de malade, mais je le pense.
– Entretien réalisé le 4 octobre 2024 à Lyon