CinéVerse s’est invité sur le tapis rouge du Festival de Cannes 2024 pour partir à la découverte des meilleures sorties à venir. À la carte de notre séjour : une dinde de noël, des graines de figuier ou encore du taureau camarguais.
Du 14 au 25 mai se tenait la 77ème édition du plus prestigieux des festivals de cinéma : Le Festival de Cannes. Avec plus d’une trentaine de visionnages en deux semaines, il était difficile de concocter un top 5. Mais pour que vous ayez une idée des films qu’il ne faudra pas rater cette année, découvrez nos coups de cœur dans les différentes sélections cannoises.
1 – Anora de Sean Baker (En Compétition)
Synopsis : « Anora (Mikey Madison), jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe (Mark Eidelstein). Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant ; mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage… »
Autant Palme d’Or qu’œuvre la plus chère à notre cœur de cette 77ème édition du Festival de Cannes, Anora a chamboulé notre séjour en bord de mer. Dès ses premières minutes, Sean Baker annonce la couleur avec des scènes de club de strip-tease magnétiques et sensuelles. Mikey Madison, elle, ouvre le bal sur ce qui fut de notre avis la meilleure performance féminine de la compétition. L’actrice interprète son rôle de jeune femme féroce mais en manque de reconnaissance et d’amour à merveille. Ses réparties traversent les scènes aussi violemment que des balles d’armes réelles, détournement comique de son physique aguicheur.
Anora est sexy et provocateur. Sean Baker continue d’y filmer les mis de côté des USA, mais cette fois-ci à travers un cadre luxueux où aucune limite ne s’impose ; c’est l’American dream vécu à travers le regard d’un jeune russe égocentrique et d’une danseuse solitaire. À peine sortis de la salle, les yeux mouillés face au bonheur partagé avec le casting à proximité, nous n’avions qu’une hâte : retourner vivre cette expérience palpitante de 2h20.
2 – Julie Keeps Quiet de Leonardo Van Dijl (Semaine de la critique)
Synopsis : « Vedette d’une académie d’élite de tennis, la vie de Julie (Tessa Van den Broeck) gravite autour de ce sport qu’elle adore. Quand son entraîneur fait l’objet d’une enquête puis est rapidement suspendu de ses fonctions, tous les joueurs du club sont encouragés à témoigner. Mais Julie décide de se taire… »
Si le mutisme du film rend l’expérience difficile, ce sont ces mêmes silences qui permettent au spectateur de lire à travers les lignes. La force de ces premières œuvres se trouve souvent dans la subtilité de leur écriture et de l’émotion débordante qui en découle. De la même façon qu’Aftersun, le réalisateur accompagne ses scènes d’une BO grinçante noircissant le film, réveillant les cicatrices en nous. L’actrice et ses coups de raquette sont stupéfiants et ses jeux de langage basculant entre français et néerlandais apportent un réel charme au film.
3 – Christmas Eve in Miller’s Point de Taylor Taormina (Quinzaine des cinéastes)
Synopsis : « Une boule de Noël irisée, à la fois réconfortante et crépusculaire : pour son troisième long métrage, Tyler Taormina filme un réveillon qui réunit les membres d’une famille italo-américaine de classe moyenne. Alors que la nuit avance et que des tensions éclatent, l’une des adolescentes s’éclipse avec son ami pour conquérir la banlieue hivernale. »
Depuis combien de temps n’avions nous pas eu un bon film de Noël ? Et c’est en plein mois de mai, le soleil frappant, que la neige a déposé quelques flocons de bonheur dans notre programme. Dans ce film choral reprenant les codes des teen movies, on passe le réveillon chez Taormina comme un vrai festin, où il y en a pour tous les goûts.
Toutes les générations s’entremêlent, se chamaillent et s’émerveillent face à la féerie de Noël. Si c’est d’abord Michael Cera qui nous a fait courir à cette séance, c’est finalement tout un casting attachant qui nous aura séduit. Par un montage choral et des musiques hivernales se succédant, le réalisateur crée une atmosphère chaleureuse dont on ne souhaite plus sortir.
4 – Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof (En Compétition)
Synopsis : « Iman (Missagh Zareh) vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan (Mahsa Rostami) et Sana (Setareh Maleki), étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh (Soheila Golestani), tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement… »
C’était un film absent de notre programme initial, mais nous n’avons pas eu d’autre choix que de foncer le rattraper lorsque la presse hurlait à la Palme d’Or. Et nous ne l’avons pas regretté. C’était cruel que de projeter un film de 2h50, d’une si grande importance, en toute fin de festival. Au delà de son message politique fort, Mohammad Rasoulof délivre un film puissant, triturant son spectateur sur toute sa longueur.
De par sa réelle maîtrise du suspens, et son passage du huis clos à la course poursuite à la Shining, le film donne le vertige. La tyrannie d’un pays se traduit à travers le déchirement d’une famille dont les personnages sont portés avec brio par son casting, qui nous coupe le souffle à chaque instant. L’horreur ne cesse pas et la détresse qui l’accompagne cloisonne toute forme de bonheur. Un tour de force du réalisateur qui poursuit le travail de Saeed Roustaee ou Jafar Panahi.
5 – Animale de Emma Benestan (Semaine de la critique)
Synopsis : « Nejma (Oulaya Amamra) s’entraine dur pour réaliser son rêve et remporter la prochaine course camarguaise, un concours où l’on défie les taureaux dans l’arène. Mais alors que la saison bat son plein, des disparitions suspectes inquiètent les habitants. Très vite la rumeur se propage : une bête sauvage rôde… »
Ayant déjà fait ses preuves avec son très charmant Fragile, Emma Benestan marquait son retour en clôturant La Semaine de la critique, sélection parallèle du Festival de Cannes 2024. Loin de la comédie romantique de son premier film, elle nous plonge cette fois-ci dans le film de genre, mêlant fantastique et horreur. Si le film s’ouvre sous le soleil camarguais, la lumière chute rapidement pour dévoiler les horreurs cachées par la nuit.
Marquant les valeurs et les racines de sa réalisatrice, le film prend son temps, offre au spectateur le rôle d’inspecteur, en brouillant les pistes par un jeu de métamorphose et de rêverie. Une vraie prise de risque, qui en vaut la peine au vu de la réelle maîtrise de la mise en scène et de l’authenticité des performances données. Le réalisme frappant des personnages rend la part fantastique d’autant plus déstabilisante. Le taureau-garou est de sortie, pour dévoiler une grande réalisatrice en devenir.
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