50 ans quasiment jour pour jour après le coup d’État d’Augusto Pinochet au Chili, le monde entier se remémore cet événement majeur du XXe siècle. Le cinéma n’est évidemment pas en reste. Une décennie après No, Pablo Larraín revient avec El Conde sur Netflix, où il imagine Pinochet en vampire immortel dans un bel écrin de noir et blanc.
« El Conde : Dictateur depuis longtemps déchu, Augusto Pinochet se morfond dans sa demeure isolée, lui qui est ici un vampire immortel né juste avant la Révolution française. Alors que ses enfants viennent avec l’espoir de collecter leur héritage, Pinochet entre en introspection, ne sachant pas s’il doit mourir ou refaire sa vie. »
Sortir de l’ombre de Pinochet
Tant d’années après ce fameux 11 septembre 1973, le Chili n’a toujours pas totalement pansé les plaies de la dictature de Pinochet. C’est ce devoir de mémoire que Pablo Larraín ébauche avec El Conde, en montrant le dictateur comme un homme pathétique et sans âme. En le ridiculisant ainsi, le film tente de tourner la page des années noires. Mais contrairement à No (2012), dans lequel la dictature était abordée de manière frontale, El Conde se perd dans des circonvolutions interminables, entre vampires, religion, héritage…
Finalement, et aussi surprenant que cela peut-être, la dictature n’est abordée que par bribes, lors de discussions de personnages se gargarisant de leurs exactions et se dédouanant de toute responsabilité. Mais évacuer un tel sujet de cette manière en le prenant par-dessus la manche n’est pas simple à mettre en scène. Et ici, Larraín a choisi la simplicité du dialogue, sans tenter de rendre cela artistique. Et devant les prémices du film, qui promettaient de réellement et enfin passer outre Pinochet, ce n’est pas réussi.
Un mélange des genres trop… brouillon
Dévoré par son ambition, El Conde cherche à être un film politique, de vampires, de famille, d’amour et même de religion. À voir le film, l’essai n’est clairement pas transformé. Et le résultat est décevant, avec une œuvre qui donne plus le sentiment d’être un gâchis et un trop-plein d’inspirations plutôt. On sent que Larraín a été trop ambitieux et qu’il s’est laissé emporter par l’énorme propos qu’il voulait transmettre. À la fin, on en ressort avec la sensation de bribes de messages transmis ci et là, sans véritable fil directeur, alors que le réalisateur voulait clairement faire passer un message clair et unifié.
Si l’on doit trouver une qualité à El Conde, et il y en a évidemment, elle se situerait dans l’interprétation des acteurs, et plus particulièrement celle de Jaime Vadell, incroyable de cynisme en Pinochet. Mis à part cela, El Conde restera un film boursouflé, trop ambitieux et surtout n’ayant effleuré que la surface de son potentiel.
Après une série de biopics reconnus, Pablo Larraín se rate dans les grandes largeurs avec El Conde, un film évitable et qui n’apportera rien à la catharsis nationale dont le Chili a tant besoin, pour enfin tourner la sombre page de la période Pinochet.
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