Multi-récompensé aux Goyas, l’équivalent des Césars en Espagne, El buen patrón de Fernando León de Aranoa est une satire sociale portée par Javier Bardem, dans son meilleur rôle depuis No country for old men.
Mais au-delà de ses situations comiques, El buen patrón réussit-il à délivrer un réel message sur la vie d’entreprise ?
Chef d’entreprise protecteur, Juan Blanco (Javier Bardem) dirige Basculas Blanco, une société qui construit des balances et se targue d’être une famille de substitution pour ses employés. Alors quand survient la perspective d’un prix d’excellence décerné par la Région, Juan Blanco veut que toute son entreprise soit parfaite pour l’inspection. Évidemment, c’est à ce moment que sa vie familiale et professionnelle vont s’écrouler dans un enchaînement de malheurs aussi comique que pathétique.
Une étude de personnage inspirée
La vraie réussite d’El buen patrón est l’écriture de son personnage principal. Tout en métaphores sur l’équilibre et la balance, Juan Blanco incarne un patron paternaliste qui souhaite bien faire, sans jamais se rendre compte qu’il aggrave tout ce qu’il touche. Prêt à aider ses employés dans toutes leurs mésaventures du quotidien, Blanco s’y perd au point de mélanger vie privée et professionnelle. Une suite d’erreurs qui mèneront au drame.
Subtilement écrit par Fernando León de Aranoa, le personnage de Juan Blanco oscille entre la sincérité et la maladresse. Entre la volonté de bien agir et la condescendance. Il concentre en lui une critique acerbe du capitalisme autant qu’il attendrit, finissant par être aussi détestable qu’attachant. Et pour lui donner consistance, Javier Bardem livre ici une partition parfaite, en particulier dans les non-dits et les sous-entendus. Il signe ici son retour à un niveau auquel on ne l’avait plus vu depuis plus de dix ans.
Des enjeux pertinents dans un scénario stéréotypé
Comme dans le capitalisme de notre monde réel, les méchants chefs d’entreprise finissent toujours par l’emporter. Ce sera le cas de Juan Blanco, qui devra naviguer contre une myriade de vents contraires pour finalement réussir son inspection. Si le propos d’El buen patrón est pertinent dans ces grandes lignes de l’amoralité universelle, il n’en est pas de même dans son exécution à hauteur humaine. À travers la plupart des situations par lesquelles il passe, Juan Blanco n’aura affaire qu’à des opposants stéréotypés. Pire, certains se révèleront en outre datés : le mari alcoolique et cocu, l’employé viré et qui n’a rien à perdre, ou encore la stagiaire qui couche avec le patron pour ensuite lui forcer la main et accéder aux plus hauts postes… On a connu écriture plus inspirée.
Au fond, El buen patrón ne touche juste que lorsque les situations se rattachent à l’homme derrière le patron. En couchant avec la stagiaire qui se révèle être la fille de son meilleur ami, Bardem regrette son geste plus pour son ami que pour sa femme. En voulant se débarrasser de l’employé viré qui le harcèle, il cause le malheur d’un autre employé, modèle cette fois, alors même qu’il lui avait promis sa protection et sa parole d’homme.
Bien heureusement, le film d’Aranoa se rattrape avec une fin intelligente, de l’utilisation de la musique à son propos très cynique. Jusqu’à son dernier plan qui laisse paraître une minuscule fissure dans la carapace du capitalisme. Le film sachant se terminer au juste moment.
Satire manquant de cynisme et surtout d’originalité, El buen patrón restera un film agréable. D’abord grâce à Javier Bardem ensuite avce ses rares situations comiques qui touchent juste, entre l’ironie et le pathétique. Pour une bonne comédie sur le patronat, il faudra repasser.
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