El agua d’Elena López Riera concentre tous les défauts classiques d’un premier film, mais se distingue néanmoins par à un certain sens de la mise en scène et des interprètes au diapason.
Dans un petit village du sud-est de l’Espagne, une croyance populaire veut qu’à chaque inondation, le fleuve emmène avec lui une jeune femme dont il est tombé amoureux. Le film suit Ana, qui vit ses premières amours durant un été où il n’y a rien à faire. Alors qu’une nouvelle crue s’annonce, Ana sent l’appel du fleuve, El Agua, et doit décider de son destin.
Des inspirations multiples, mais sans fil directeur
Kechiche, Benestan, Ceylan, Sehiri… nombreux sont les réalisateurs à s’être essayé ces dernières années au film « d’été », que l’on pourrait décrire comme une œuvre où le soleil et la chaleur sont des personnages à part entière, provoquant une lourdeur propice à la perte de contrôle et à la libération des mœurs.
Cette fois, c’est Elena López Riera qui tente le coup. Et c’est dans la mise en scène de ces jours qui se suivent et se ressemblent qu’elle réussit le mieux. Par quelques petites touches de mise en scène, notamment des successions de plans fixes montrant des panoramas ensoleillés et vides, la réalisatrice instille un certain sens de l’immobilisme, qui est appréciable par sa simplicité et son efficacité.
Malheureusement, Riera ne semble pas savoir sur quel pied danser dans le reste du film. Entre film fantastique, œuvre romantique, propos documentaire et message féministe, El agua se perd dans une multitude de genres qui accouchent d’un mélange au sens d’inachevé. C’est toute la difficulté de faire un premier film : on veut tout y mettre, alors que mieux vaudrait rester concis.
Une troupe d’acteurs admirables desservis par un scénario bancal
Dans El agua, la jeune Ana vit ses premières amours. Elle vivotant d’escapades amoureuses en soirées arrosées, tout en subissant le regard réprobateur de sa mère, qui n’est pourtant pas un exemple. Dans ce milieu où même les études ne sont pas un avenir, Ana sent l’appel du fleuve qui menace de faire sa crue. El agua fait alors de cet appel et des sentiments d’Ana envers ce mystère, un terreau pour distiller un message féministe simple mais percutant : une femme devrait pouvoir faire ses propres choix en toute liberté.
Elena López Riera utilise ainsi l’eau comme une double métaphore, car elle enferme Ana autant qu’elle la libère. Mais si ce message est efficace, l’enrobage ne l’est pas autant. Que ce soit l’idylle de jeunesse d’Ana où ses liens familiaux, rien de ce qui est montré à l’écran n’est bien écrit ou même vraiment utile. On pense notamment à ces scènes d’interviews documentaires qui cassent le rythme du film par trop de complexification, alors que davantage de simplicité aurait rendu El Agua… bien plus fluide.
Dans ce maelström de genres engloutis, il est heureux que la troupe d’acteurs, en particulier Luna Pamiés qui fait ses débuts au cinéma en tant qu’Ana, sauve l’ensemble, tant les interprètes sont bien dirigés.
Brouillon et bancal, El agua souffre de la volonté de complétude d’Elena López Riera, dont nous espérons que le deuxième film gagnera en simplicité. Nous garderons toutefois de sa première œuvre un certain goût d’été, de soleil et d’immobilisme, dont la mise en scène laisse espérer une éclosion dans les pas des plus grands du genre.