En montée en puissance ces dernières années avec ses séries, Apple TV propose avec Dope Thief une plongée haletante dans le trafic de drogue post-Covid, avec Ridley Scott à la production, rien que ça.
Dans une veine différente des séries comme Breaking Bad, Narcos ou The Wire, Apple TV adapte le best-seller de l’écrivain Dennis Tafoya avec un casting à la fois prestigieux (Wagner Moura, Ving Rhames) et rafraîchissant (Brian Tyree Henry, Marin Ireland) et un showrunner confirmé (Peter Craig et ses scénarios de Gladiator II, The Batman, Top Gun Maverick). Est-ce toutefois suffisant pour se faire sa place dans le créneau surchargé des séries sur le trafic de drogue ? On vous dit tout.
« Saison 1 (8 épisodes) : Adaptée du roman Dope Thief de Dennis Tafoya, la série suit des délinquants et amis de longue date de Philadelphie, se faisant passer pour des agents de la DEA afin de cambrioler la maison d’inconnus en pleine campagne. Mais lorsqu’ils découvrent involontairement le plus grand trafic de drogue de toute la côte Est, ce qui ne devait être qu’une petite arnaque se transforme en entreprise mortelle. »

True Bromance
Certes, vous l’avez déjà compris en lisant cette introduction : Dope Thief brille par son scénario survolté, entrecoupé de scènes de soulagement comique très réussies. Mais encore au-dessus de tout ça, la série rayonne grâce à sa troupe d’acteurs, au premier rang desquels Brian Tyree Henry (Ray). Mis sur pied d’égalité avec Wagner Moura (Manny) lors de l’introduction, l’acteur vu dans Atlanta prend rapidement le lead pour s’imposer comme le vrai personnage principal de la série. Impressionnant de maîtrise et véritable caméléon des humeurs, Brian Tyree Henry crève l’écran en interprétant tour à tour le fils aimant, le protecteur, le grand frère, l’amoureux ou encore tout simplement l’homme dépassé face aux évènements.
Car des évènements, il y en a pléthore dans cette série qui sait allier une écriture au cordeau, avec des moments de respiration et même d’introspection bienvenus, sans jamais perdre son spectateur. Tout au long des 8 épisodes que compte cette série, la descente aux enfers de Ray et Manny (et les autres) est chroniquée avec précision, sans que l’on ne perde jamais de vue le cœur de l’histoire – la relation entre deux amis que tout sépare mais que rien ne peut venir briser – et la toile plus large du trafic de drogue sur la Côte Est des États-Unis.
Arrête-moi si tu peux
Quand leur combine de se faire passer pour des agents de la DEA tourne mal après avoir découvert sans le vouloir la plus grande opération de drogue de ce côté du pays, Manny et surtout Ray se retrouvent au cœur d’une folle chasse à l’homme dans laquelle la DEA, des trafiquants de drogue et même des motards néo-nazis ne leur laissent aucun répit.
Dans ce maelström de sujets différents, Dope Thief réussit à trouver un équilibre qui donne à voir les dilemmes moraux, religieux et sociaux que peuvent vivre les laissés pour compte de villes difficiles comme Philadelphie. Sans misérabilisme mais avec une vraie acuité morale, la série d’Apple TV réussit, grandement aidée dans ce sens par l’écrit de Dennis Tafoya, à mélanger les genres en étant pertinente dans tout ce qu’elle aborde.

The fire and the fury
Nerveuse quand The Wire était précise, survoltée quand Breaking Bad était calme, ramassée quand Narcos s’élargissait, Dope Thief a aussi pour elle le fait d’avoir compris et digéré ce que le format sériel doit apporter par rapport au cinéma. À une époque où la télévision essaie de faire des films de 8 ou 10 heures plutôt que des feuilletons, la série d’Apple TV ne tombe pas dans cet écueil. À chaque épisode son cœur émotionnel et sa petite histoire qui s’imbrique harmonieusement dans la grande, qui continue par petites touches.
Poursuivi par des bikers néonazis qui répondent à une Voix, le personnage de Ray est développé de manière à prendre le temps de montrer ses relations avec Manny, sa mère adoptive et son père, tout en lui permettant d’avoir une intrigue amoureuse au milieu du feu et de l’action. Autour de lui gravitent sans s’entrechoquer les personnages de la DEA ou encore de Son, le mafieux vietnamien au grand cœur qui se révèle finalement bien plus retors qu’il n’y parait.
L’histoire sans fin
Et au gré des fusillades qui ponctuent les épisodes comme autant de cliffhangers, Ray décide bon gré mal gré d’appliquer la technique infaillible d’une autre Voix célèbre de l’audiovisuel : celle qui dit à Robert Redford dans Les Hommes du Président de « follow the money ». Ce faisant, l’histoire de Ray culmine dans un sixième épisode où il commence enfin à répondre à la lancinante question du « who are these guys ? » de Butch Cassidy.
Après ce sommet de tension, la série retombe quelque peu dans ses deux derniers épisodes avec une fin légèrement bâclée, dans laquelle le grand ennemi est révélé et son destin expédié en dix minutes chrono. Ce sera finalement le seul reproche que nous pourrons faire à la série, tant son scénario, sa mise en scène survoltée et ses interprétations sont maîtrisées jusqu’à cette fin étrange.