Notre journaliste Camille Griner a découvert Dangerous Animals de Sean Byrne, film de requins australien présenté à la Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes 2025.
Férue de films de requins depuis belle lurette, quelle ne fut pas ma joie lorsque je me suis rendue à l’une des deux projections pré-cannoises de Dangerous Animals, troisième réalisation de Sean Byrne après The Loved Ones (2009) et The Devil’s Candy (2015). N’étant pas présente sur la Croisette, le privilège de cette découverte en amont des festivités a une saveur d’autant plus précieuse. Marketé comme un cocktail détonnant entre le film de requins et le slasher, Dangerous Animals tient-il toutes ses promesses ? Et fera-t-il frissonner les spectateurs lors de sa sortie en salles le 23 juillet prochain ? Verdict ci-dessous.
« Zephyr (Hassie Harrison), une surfeuse intrépide au tempérament libre, est kidnappée par Tucker (Jai Courtney), un tueur en série obsédé par les requins. Séquestrée sur son bateau et confrontée à la folie de son ravisseur, elle va devoir se battre pour survivre face à tous les prédateurs… »

Juste une mise au point
Une poignée de minutes après l’ouverture de Dangerous Animals, une séquence vectrice d’angoisses arrive bien vite et fleure bon le déjà vu. Le joyeux combo réunit un bateau (nul besoin d’un plus gros ici), deux touristes anglais, une cage à requins, des sélachimorphes appâtés par de la chair à poisson et un capitaine de navire un peu louche. Si l’on sent arriver la catastrophe à vue d’œil, la suite de cette balade en eaux profondes se révèle plus inattendue que prévu… Et offre un aperçu sanglant, quoique plutôt soft par rapport aux scènes à venir, du message proposé par Sean Byrne dans son dernier né. Si les non initiés risquent d’être fortement éprouvés par l’expérience cinématographique proposée, même les amateurs du genre sont ici remués.
En effet, la proposition du réalisateur australien et du scénariste d’origine canadienne Nick Lepard, qui a également écrit le prochain film d’Osgood Perkins (Longlegs, The Monkey), a de quoi faire rudement plaisir, en plus de nous terrasser. Exit le film de requins « traditionnel », le duo questionne ici notre rapport aux monstres. Byrne et Lepard proposent dès lors un projet poussif et jouissif attendu depuis bien trop longtemps : celui d’un film de requins rendant leurs lettres de noblesses à ces bestiaux aquatiques, victimes de préjugés qui ont la dent dure depuis Les Dents de la Mer (1975). Pour dynamiter les idées cruelles et préconçues véhiculées malgré lui par ce super prédateur marin, Dangerous Animals met alors le paquet.

Miroir, mon beau miroir
Dangerous Animals remet, à coups d’hémoglobine et de violence à foison, le véritable monstre au centre de l’échiquier : l’Homme. Par le biais du personnage de Tucker (glaçant Jai Courtney), le film dresse le portrait en miroir d’une humanité fascinée par les attaques de requins, et plus largement par des évènements glauques et terribles qu’elle scrolle et zieute à longueur de temps. Le vice va encore plus loin, puisque le tueur en série du film s’autoproclame militant pour la protection des squales. Creusant nos obsessions malsaines pour mieux nous faire prendre conscience de la posture paradoxale que l’on peut souvent avoir face à celles-ci, Dangerous Animals n’est donc pas qu’un film de requins, mais bien le reflet flippant et appuyé de notre société hypocrite, malade et avide d’images et d’histoires chocs.
Tourné en décors réels sur la Gold Coast, dans le Queensland, Dangerous Animals se dote par ailleurs d’un réalisme qui fait froid dans le dos, offrant une panoplie de péripéties sanguinolentes déjà mémorables. L’esthétique stylisée, sous l’eau comme en surface, oscille constamment entre des couleurs poisseuses et saturées. La mise en scène, plutôt académique mais sombrement efficace, offre une surenchère visuelle habile à la violence graphique qui se joue à l’écran. Violence qui monte crescendo jusqu’à son final, dont je ne vous dirai rien de plus.
Dernière note, pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus, certaines images de requins sont authentiques et ont été intégrées, après avoir été retravaillées, dans des séquences minutieusement chorégraphiées et tournées en amont. L’effet est parfois visible, mais n’enlève en rien le mordant de cette lettre de paix et d’amour aux squales. Grâce à son audace féroce et ses sorties de pistes bienvenues, Dangerous Animals peut se vanter d’être le meilleur film du genre vu depuis un bon moment.