Se faire entendre et obtenir justice oui, mais à quel prix ? Dans cette question réside tout le cœur du nouveau film de Fernando Guzzoni, Blanquita.
Inspiré d’une histoire vraie, et plus précisément d’un scandale qui a marqué le Chili vingt ans plus tôt, Blanquita retrace, à travers une fiction stupéfiante, le combat acharné de l’héroïne. Voici 5 raisons d’aller découvrir ce film :
« Blanca (18 ans) vit à Santiago dans un foyer pour mineurs dirigé par le prêtre Manuel Cura (50 ans). Témoin clé d’une affaire de scandale sexuel impliquant des politiciens chiliens, Blanca se retrouve poussée par Manuel au centre de l’attention médiatique. Elle devient une héroïne féministe pour certains, mais plus l’enquête avance, moins le rôle de Blanca semble clair… »
1. Une actrice hypnotisante
Laura Lopez Campbell endosse son premier rôle au cinéma et s’assure de marquer les esprits avec cette première performance. Regard foudroyant, posture confiante, élocution distincte et fluide, l’actrice incarne toute la menace que représente son personnage avec une crédibilité si terrifiante que le spectateur craint lui-même Blanca. La jeune femme réussit à cacher habilement ses peurs et ses doutes à la lumière des médias. Par conséquent, sa force de détermination et sa soif de vengeance dominent l’écran jusqu’à déstabiliser ses ennemis.
Le spectateur quitte la salle de cinéma, estomaqué par la puissance difficilement contestable avec laquelle Lopez Campbell incarne son personnage. Son prochain rôle au cinéma sera impatiemment attendu par le public, impressionné par la prestance de l’actrice chilienne.
2. Un film qui milite pour la justice
Blanquita regorge, certes, d’un grand travail de fiction mais le film puise directement son inspiration dans l’affaire Spiniak. Claudio Spiniak, homme d’affaires au Chili, participait à un réseau de prostitution d’enfants et de pédophilie. Gema, qu’on surnomme « Gemita », a témoigné en tant que victime de cet homme et d’un sénateur dont elle a décrit le physique d’une précision qui ne détrompe pas. De cette interview éclate alors un bouleversement politique et de nombreuses démissions s’en suivent. Cette affaire reflète finalement la triste réalité de nos jours. Les victimes s’expriment mais la justice n’écoute pas forcément ce qu’elles ont à dire. Blanquita ne dénonce donc pas seulement un système corrompu au Chili.
Toute l’absurdité et l’injustice d’un système qui règne à l’international sortent de l’ombre à travers à ce film. Grâce à leur réputation ou leur haute fonction dans la politique, les accusés restent protégés et souvent même épargnés de toute sanction. Pendant ce temps, les victimes souffrent de l’absence de confiance qu’on leur accorde et surtout de l’inaction de la justice. Le combat éprouvant qu’elles vivent est dépeint avec toute la frustration répétitive de leur lutte sans relâche menée jusqu’à l’épuisement. Et Blanquita pointe ouvertement du doigt les changements attendus pour qu’une véritable justice soit établie.
3. Un scénario malignement écrit
Qui ment ? Qui dit la vérité ? Mais surtout, quelle est la vérité ? Nombre de questions se bousculent dans la tête du spectateur à mesure que le scénario se déploie dans le film. Celui-ci se retrouve finalement voué à mener sa propre enquête. Alors que Blanquita et le prêtre Manuel persistent dans leur combat pour faire tomber les politiciens qu’ils accusent, leur propre parole est remise en doute. En qui peut-on avoir vraiment confiance ? Qui croire ? Pourquoi mentir ? Progressivement, le jeu que chacun camoufle apparaît au grand jour. Les masques tombent, les mensonges sont découverts… mais la vérité vaincra-t-elle ?
Grâce au caractère mystérieux et douteux du scénario, Fernando Guzzoni livre un enchaînement de péripéties qui fascine et captive le public, impatient de connaître la réponse à leurs questions.
4. Une atmosphère sombre et envoûtante
En optant pour des tons de couleurs sombres et une lumière du jour très faible, voire absente, le directeur de la photographie, Benjamin Echazarreta (avec qui Fernando Guzzoni a déjà travaillé pour Gloria et Une femme fantastique) plonge les spectateurs dans un milieu glacial et impitoyable. Dès le début du film, le règne du chaos se voit et s’entend pour introduire le public dans cet environnement ténébreux.
Par tous ces choix visuels, Guzzoni dépeint avec brio tout le ressenti lugubre engendré par les violences aux victimes. Parallèlement, le réalisateur établit un décor digne de celui d’un thriller qui se veut menaçant et sans pitié. Mais la soif de justice qui motive, initialement, Blanca et le prêtre Manuel, finit par devenir une hantise incontrôlable en eux et une menace pour eux-mêmes.
Par la musique et les sons, se manifestent alors l’angoisse et la peur qui pèsent les accusés comme les victimes. Notamment le son retentissant d’une cloche qui revient régulièrement et précède le début de plusieurs scènes. De tous ces éléments mis en place résulte alors une immersion immédiate du spectateur dans le monde de Blanquita.
5. Un film qui puise sa force dans les mots
Comme dans Dalva, aucune scène ne montre les violences subies par Blanquita ou ses camarades, choix intentionnel de Fernando Guzzoni. Le réalisateur souhaitait justement mettre en valeur la manière dont « les mots peuvent créer leur propre réalité ». Sur un ton si confiant qu’inébranlable, Blanquita relate son vécu avec des descriptions d’une précision crue et incisive et un vocabulaire choquant et brutal. Ses discours alertent autant les spectateurs que ses interlocuteurs et manifestent en toute clarté les atrocités et l’injustice qu’elle a endurées.
Les scènes où Blanquita s’exprime permettent à ses auditeurs de visualiser automatiquement les viols et les agressions racontées. Ainsi, miser sur le pouvoir des mots constitue une grande partie de la puissance de ce film. Une décision audacieuse de la part du réalisateur mais nettement bien exécutée, qui prouve tout le pouvoir que contient ce thriller.
Avec Blanquita, Fernando Guzzoni marque drastiquement son public, autant par l’histoire racontée que par sa réalisation minutieusement maîtrisée.