Aftersun de la réalisatrice Charlotte Wells, c’est un film de vacances résonnant comme une lettre d’adieu.
Aftersun : Avec mélancolie, Sophie (Frankie Corio) se remémore les vacances d’été passées avec son père, Calum (Paul Mescal) vingt ans auparavant : les moments de joie partagée, leur complicité, parfois leurs désaccords. Elle repense aussi à ce qui planait au-dessus de ces instants si précieux : la sourde et invisible menace d’un bonheur finissant. Elle tente alors de chercher parmi ces souvenirs des réponses à la question qui l’obsède depuis tant d’années. Qui était réellement cet homme qu’elle a le sentiment de ne pas connaître ?
Nos jours heureux
OFF. La caméra est coupée, pourtant les violons résonnent encore dans le creux de nos oreilles de spectateurs. Perdus entre nos souvenirs et les images du film de Charlotte Wells, nous en sommes réduits à notre état d’êtres sensibles. Si les prix et récompenses pleuvent sur ce premier film, ce sont bien des larmes qui coulent sur les joues du public dans cette salle qui se rallume.
Sorti en février mais pourtant film d’été, Aftersun apporte quelques rayons de soleil dans un hiver glacé. Projeté une première fois à Cannes en mai 2022, puis dans de nombreux festivals, il est le premier long métrage, très intimiste et personnel de Charlotte Wells. La réalisatrice écossaise y dessine un duo père-fille à la relation taquine et complice, à la limite de fraternelle. Ce tableau attendrissant est aussi rempli de tourments, dissimulés derrière le charme de Paul Mescal.
Before sunset
Aftersun nous invite dans un voyage multi-générationnel au travers de multiples caméras, celui de Calum la fraiche trentaine et sa fille Sophie, 11 ans. Lui, encore trop jeune pour être père ; elle, déjà trop vieille pour traîner avec les enfants.
Le film alterne alors entre la curiosité d’une jeune fille, qui observe le monde adolescent qui l’entoure, et l’étonnement d’un père se félicitant d’être encore sur Terre. Un point de bascule entre 4 générations qui se traduit par des discussions inassouvies et les regards froissés qui les accompagnent. Aftersun est de ces œuvres, comme Julie en 12 chapitres ou The Father, qui nous font vivre une expérience de vie, fragile et saisissante.
Un voyage sensoriel
Le film de Wells ne touche sans doute pas le public de la même façon, tant il laisse chacun libre de faire appel à ses propres souvenirs. La première partie pourra également paraître lente, dissimulant les enjeux dramaturgiques qui lui succèderont. Cette désorientation rend pourtant l’expérience d’autant plus sensorielle, qu’elle égare le spectateur dans son propre visionnage. Ce lien qui rattache la fille à son père, renvoie chacun à ses souvenirs d’enfance, heureux comme douloureux.
Et malgré tout, quand Aftersun se termine, il reste une chance d’avoir rembobiné ces souvenirs-là. Et si nos deux héros « trouvent ça chouette de partager le même ciel » nous partageons alors un bout de ce sentiment, avec des milliers d’autres personnes.
Une lecture…. deux lectures… Comme si l’on déroulait à nouveau la bobine de pellicule, Aftersun ne perd rien de son impact émotionnel au fur et à mesure des visionnages. Ne serait-ce finalement pas ça, l’essence du cinéma ? Un moyen de vivre une vie qui n’est pas la notre, mais qui vient pourtant creuser nos souvenirs pour se construire en nous. Ne reste qu’une hâte : celle de voir grandir la rayonnante Frankie Corio et s’épanouir la carrière de Paul Mescal.