1917 de Sam Mendes est un long-métrage d’une telle envergure qu’il transcende le statut filmique. Il devient une véritable expérience sous tension perpétuelle.
1917 est le projet titanesque qui signe le retour en force de Sam Mendes derrière la caméra. Un projet fou, qui prend le pari de filmer la Première Guerre Mondiale seulement en plans-séquences et où nos héros vont devoir livrer un message pour éviter l’échec d’une bataille.
Un long dimanche de plan séquence
Une prise de force qui paye, puisque le film est une totale réussite en tout point. Que ce soit techniquement ou artistiquement, tout est calculé ! Rien n’est laissé au hasard pour immerger le spectateur dans un contexte historique au bord de l’explosion. Ainsi, la reconstitution nous plonge directement dans la boue des tranchées, jonchées par les cadavres et les rats. Là où le film pose de vraies questions, c’est au niveau de son déroulement temporel.
Puisque la totalité des scènes est en plans-séquences, l’expérience cinématographique est d’autant plus prenante. On suit les protagonistes au plus près de l’action, sans montage apparent, sans artifice qui découperait le long-métrage. 1917 est une allégorie de la fresque, perçue comme un périple d’un point A à un point B. Comme si le spectateur était devant un tableau qu’il observait en balayant son regard de la gauche vers la droite, sans cligner des yeux un seul instant.
Techniquement, tout est dit. C’est une claque visuelle mise en valeur par la magnifique photographie du grand Roger Deakins. Son travail sublime chaque événement avec une palette de couleur aussi variée que peuvent l’être les décors. Une image travaillée qui fait donc sens avec une réalisation méticuleuse. L’ensemble nous confronte à une guerre épuisante, dans laquelle chaque homme va donner une part de sa vie.
1917, l’odyssée de l’espace virtuel
En 1957, Stanley Kubrick réalisait son premier film sur la guerre, Les Sentiers de la Gloire. Plus de 60 ans plus tard, Sam Mendes dépoussière le genre en produisant un long-métrage en hommage à son grand-père, où les travellings prodigieux dans les tranchées, mis en image par le réalisateur de 2001 l’odyssée de l’espace, deviennent une évidence constante qui ancre le public au plus profond du récit.
La fluidité des mouvements y est totalement réfléchie pour mettre en image des plans aussi audacieux techniquement que visuellement. La présence omnisciente de la caméra donne l’impression qu’elle est un personnage à part entière. Et nous, spectateurs, voyons au travers de son objectif, ce qu’un soldat pourrait voir de ses propres yeux, tel un Call of Duty vidéo-ludique.
Cette présence constante du regard nous force à être impliqués dans le film et à le vivre comme un vrai évènement. Ce dernier nous tient en haleine pendant deux heures, comme plongés dans cette guerre, sans pouvoir décrocher le regard de l’écran.
1917 n’est pas un énième long métrage sur la Première Guerre Mondiale, mais une authentique proposition de cinéma. Un film qui tente d’apporter, via de nouveaux codes, un renouveau dans la manière de filmer la violence et la déshumanisation qu’a pu être ce conflit.
Par sa mise en scène, il met le spectateur en face de l’histoire, l’emportant dans une expérience à la fois sensorielle et épuisante. Sam Mendes signe là un de ses plus grands films, en prouvant que le septième art n’a aucune limite. Ce 1917 va marquer le cinéma comme peu d’autres films l’ont fait, laissant derrière lui une trace magnifique dans la boue ensanglantée des tranchées.