En 1999, le journaliste Davy Rothbart rencontre dans son quartier de Washington les frères Sandford et décide de leur prêter une caméra. À seulement 9 ans, Emmanuel filme alors sa vie et celle de sa propre famille tourmentée par la pauvreté et la violence dans un quartier à 17 Blocks, 17 pâtés de maison du Capitole pendant deux décennies.
Le Champs-Elysées Film Festival fait un geste fort en proposant ce documentaire intitulé 17 Blocks. La famille Sanford-Durant vit dans un des quartiers les plus dangereux des États-Unis à 17 pâtés de maison du Capitole, et pourtant, c’est une dénonciation qui représente le pays entier…
Dans un présent anxiogène suite au meurtre de l’afro-américain George Floyd, 17 Blocks tombe malheureusement à pic et s’ancre plus que jamais dans les racines d’un pays qui ne représente plus le rêve américain pour qui que ce soit. Cette notion de rêve américain représente ce concept de réussite à partir de rien, et l’humoriste George Carlin disait qu’on l’appelait ainsi parce qu’il faut être endormi pour y croire.
C’est exactement cet espoir qui nourrit la famille Sanford-Durant, baignant dans une des plus grandes capitales du monde mais dans les pires conditions sociales qui soient. Sur les deux longs-métrages de documentaire proposés pour le moment au festival, la place accordée à ceux qui veulent raconter leur histoire est plus importante que jamais. Le Kiosque comme 17 Blocks représentent avant tout des films fait maison et qui mettent en avant la parole des concernés, du point de vue des concernés, au lieu de faire l’erreur si présente à la télévision aujourd’hui d’organiser des débats sans inviter les personnes qui devraient avoir la parole.
La famille Sanford-Durant prend alors cette parole pendant deux décennies avec plus de 1000 heures de rush, et on ressent un attachement immédiat à cette famille qui grandit à vue d’oeil, à la manière d’un Richard Linklater avec sa trilogie Before ou Boyhood grâce à la temporalité étendue du contenu. C’est justement le temps, l’enjeu majeur de la vie de ses habitants : les années passent et pourtant rien ne change. Pire encore, l’âge des membres de la famille n’influe pas sur la vie qu’ils mènent : le premier-né de la famille raconte avec une banalité effrayante la mort d’un de ses amis tué pour un match de basket.
Aujourd’hui, l’arme la plus efficace d’un homme face aux difficultés de la vie est sa caméra (ou être blanc) et les circonstances le prouvent, le documentaire ne met pas en scène les tragédies qui rythment quotidiennement les vies des Sanford-Durant, elles sont filmées par la famille qui les subit. Ainsi, on découvre le témoignage bouleversant des membres de la famille après l’assassinat d’Emmanuel par un cambrioleur. Puisque tout tourne autour du temps : plusieurs années après son meurtre, la mère d’Emmanuel dit à son neveu qu’il avait eu sa première caméra à son âge. Il demande alors s’il sera tué 17 ans plus tard, comme son oncle… Une tragédie qui marque les esprits de plusieurs générations comme son frère, son neveu, sa mère… Tous luttant contre un fléau (la drogue, le deuil, la culpabilité…) et s’accrochant fort à l’unique réconfort et espoir qu’ils ont : leur famille.
« When somebody go, that’s it. If you still living when they go, that’s it. If they still living when you go, that’s it. » 17 Blocks ou le témoignage d’une Amérique ravagée par l’injustice et la violence, où l’espoir d’un ciel clair se transforme petit à petit en un orage qui ravage tout le monde sans état d’âme, enfants comme adultes…
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