13 jours 13 nuits de Martin Bourboulon : Kaboulox

Après Eiffel, Les Trois Mousquetaires et plus récemment Carême, Martin Bourboulon délaisse les films en costumes et s’attaque à un genre inhabituel dans sa filmographie : le thriller. Film ambitieux rempli de belles promesses, 13 jours 13 nuits est-il plus qu’un film de « yes man » à gros budget ?

Adapté du récit de Mohammed Bida (incarné par Roschdy Zem), 13 jours 13 nuits revient sur l’évacuation de civils afghans orchestrée par l’armée française pendant la chute de Kaboul en 2021.

« Kaboul, 15 août 2021. Alors que les troupes américaines s’apprêtent à quitter le territoire, les Talibans prennent d’assaut la capitale et s’emparent du pouvoir. Au milieu du chaos, le commandant Mohamed Bida et ses hommes assurent la sécurité de l’ambassade de France, encore ouverte. Pris au piège, le commandant Bida décide de négocier avec les Talibans pour organiser un convoi de la dernière chance. Commence alors une course contre la montre pour fuir l’enfer de Kaboul. »

(c) Pathé

Hell’s (Kaboul) Kitchen

Depuis le début de sa carrière, Martin Bourboulon s’est illustré par son aptitude à s’insérer dans des projets à forte visibilité. Peu importe ce que l’on pense de la qualité intrinsèque de ses films, force est de constater qu’il sait attirer le public et générer des entrées en salles. Son cinéma répond aux attentes d’un divertissement populaire calibré. De Papa ou maman aux Trois Mousquetaires, il s’inscrit dans une mécanique industrielle qui contribue à faire tourner la machine du cinéma français.

Dans cette perspective, le choix de Pathé de lui confier la réalisation de 13 jours 13 nuits s’explique aisément. En effet, en misant sur un réalisateur reconnu pour son efficacité commerciale, le studio vise à garantir la viabilité économique d’une production au budget conséquent, estimé à 27,5 millions d’euros, et dont les ambitions formelles s’alignent davantage sur les codes du blockbuster américain que sur ceux du cinéma d’auteur français.

De ce fait, 13 jours 13 nuits a de quoi attiser la curiosité avec sa bande-annonce explosive, promettant un grand spectacle à la française  revenant sur un évènement historique encore très peu adapté au cinéma. Et, avec enfin une photographie digne de ce nom pour un film de Bourboulon : au revoir les couleurs marrons fades d’Eiffel et des Trois Mousquetaires.

13 nuits en Enfer 

Face à la première heure de 13 jours 13 nuits, on serait presque tenté de donner raison au studio de Jérôme Seydoux. La première partie du film s’affirme en effet comme un thriller tendu, efficace et émotionnellement engageant. La mise en scène se distingue par une gestion maîtrisée de la tension, produisant des scènes certes classiques dans leur composition, mais d’une redoutable efficacité. La séquence d’exfiltration d’un haut-gradé afghan par le personnage de Mohammed Bida en début de métrage en constitue un exemple frappant : évoquant les meilleurs épisodes de Homeland, elle parvient à instaurer un climat de stress palpable, frôlant une émotion vive. Roschdy Zem y est plongé au cœur d’un Kaboul ravagé, livré à la violence brutale des Talibans.

Plus globalement, 13 jours 13 nuits atteint son meilleur niveau lorsqu’il s’attarde sur la souffrance du peuple afghan. L’un des arcs narratifs les plus marquants reste sans doute celui de la journaliste incarnée par Sidse Babett Knudsen, qui témoigne avec force des tourments d’une population déchirée entre l’attachement à sa terre et l’impérieuse nécessité de fuir. Cet aspect est renforcé par le réalisme des décors, pour la plupart naturels, et par des effets spéciaux discrets mais convaincants.

Zero Dark Copy

Si 13 jours 13 nuits nous donne de la sympathie par son sujet et sa nature (on ne voit pas toutes les semaines dans nos salles françaises de projets aussi ambitieux), on regrette néanmoins son manque de prise de risque dans la mise en scène et l’écriture. Passée la première heure, on remarque  le manque d’épaisseur du script de Martin Bourboulon et Alexandre Smia. Les événements de l’intrigue s’enchaînent trop vite, sans prendre le temps de développer ses personnages. Trop caricaturaux, ils ne dépassent jamais leurs fonctions dans l’intrigue, à l’image du gendarme incarné par le talentueux Christophe Montenez. En conflit avec son supérieur dans la première partie du film, ce dernier change soudainement d’opinion sans que ce soit justifié par le scénario de manière crédible.

Fatalement, 13 jours 13 nuits s’inscrit dans un cinema français d’action qui se construit dans l’ombre du grand frère américain. Si quelquefois la mise en scène parvient à imiter certaines scènes de bravoure, elle échoue à y insuffler de la grâce. Si la dernière séquence rappelle forcément celle de Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, modèle du genre, elle n’en est qu’une version moins subtile et plus ampoulée. Pour cause, Bourboulon emprunte le style de Bigelow sans sonder l’intériorité de ses personnages, leurs dilemmes moraux et leurs rapports à leur mission dans un pays étranger.

Aussi, l’écriture de façon globale n’échappe pas aux écueils du genre,  à l’image de certains dialogues sensationnalistes comme « nos chances de survie… sont quasiment nulles ». L’ultime faiblesse du scénario réside finalement dans son incapacité à formuler un propos qui dise véritablement quelque chose de la situation politique de l’Afghanistan. Le sujet est bien trop riche pour une focalisation si resserrée.

(c) Pathé

13 jours 13 nuits n’est pas tant une réflexion politique poussée sur la prise de pouvoir des Talibans qu’un prétexte pour un thriller sous tension bien géré. 

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